J’ai toujours aimé aller au marché … zigzaguer entre les étals, prendre le temps d’observer et d’humer les achalandages, aller là où me porte ma curiosité, me perdre parfois dans les allées, engager la discussion avec tel ou tel vendeur avenant, me laisser tenter, parfois, en l’espace d’un instant.
Notre année sabbatique en voilier est une occasion rêvée de découvrir de nouveaux marchés et la perspective d’étals colorés, d’odeurs inattendues voire inconnues, de babillages et d’interpellations aux sonorités dépaysantes, à tout pour me ravir et me réjouir.
Cependant, le début du voyage me laisse plutôt sur ma faim. Jusqu’aux Canaries, je peine à dénicher ce que j’espérais trouver. J’avais en effet naïvement imaginé qu’en descendant vers le sud, l’avitaillement que je vivais jusqu’alors comme une obligation se transformerait rapidement en flânerie à l’extérieur ou, à tout le moins, en chasse au trésor dans les petites épiceries du coin. Mais pour le moment, les supermarchés de toute taille restent le plus souvent mes seules trouvailles.
Ce n’est qu’aux portes de notre vieille Europe que commence à s’esquisser ce que je m’étais imaginée. Car c’est au Cap Vert, étonnamment, que mon premier marché digne de ce nom m’est offert. Entre les étals généreux des pêcheurs de la Tour de Belem et les bassines hétéroclites des vendeurs des ruelles adjacentes, mes sens s’éveillent enfin, cela valait finalement la peine d’être patiente.
Et ces quelques prémices, savourés à leur juste valeur, se révèlent en outre être d’excellent augure. Mon arrivée dans les Caraïbes signe l’apothéose de mes rêves les plus fous. Les marchés sont partout, les étals croulent sous les monceaux de nourriture, les couleurs et les odeurs explosent.
Racines, légumes feuilles, aromates, fruits exotiques, épices, poissons, tout attire mon regard, je ne sais plus où donner de la tête mais mon cœur est en fête.
Je veux tout goûter, tout cuisiner, je suis avide de découvertes. Alors je discute et me renseigne pour connaître le nom de ce drôle de légume ci ou comprendre comment accommoder au mieux cette étonnante racine là. Je ne veux rien laisser au hasard.
Chaque nouvelle rencontre devient l’occasion d’en apprendre davantage, je dresse l’oreille à chaque bavardage, je suis à l’affut de toutes les opportunités qui me permettront de progresser dans la maîtrise de la gastronomie locale.
Les marchés deviennent passage obligé, tout est prétexte pour s’y arrêter, déambuler et discuter. Et au delà de la beauté qui émane des tas de ceci et de cela, je prends également le temps d’admirer les faciès parcheminés des vieilles dames créoles habillées de madras, que je trouve fascinantes tout autant qu’attachantes.
Semaine après semaine, je peaufine mes connaissance, je me livre à quelques expériences, je développe mes compétences.
Et je tombe sans même m’en rendre compte éperdument amoureuse de cette cuisine créole si colorée et parfumée, si alléchante et succulente.
Brève de mer #19