C’est la fin du mois de juillet, nous sommes mouillés devant le Marin.
Mi-mai, après quelques journées intenses de réflexion, nous avons finalement décidé de ne pas nous engager dans la transat retour et de profiter encore quelques temps de cette ambiance créole qui nous charme tant. Au mieux, nous trouverons un job sur place, au pire, nous essayerons de vendre Williwaw quand l’heure sera venue pour nous de rentrer en métropole.
Nous ne regrettons pas notre décision. Entre deux courriers de candidature, nous nous offrons le temps de poursuivre notre découverte de la Martinique, visiter ses rhumeries et parfaire notre culture gastronomique. Les paysages brûlés de soleil du printemps dernier ne sont plus que de lointains souvenirs, la luxuriance tropicale a repris ses droits, Madinina a recommencé à fleurir.
Côté plaisir des yeux, les flamboyants tiennent le haut du pavé avec leurs parures écarlate ou jaune d’or. Côté plaisir gustatif, la palme revient aux mangues dont les innombrables variétés – julie, amélie, zéphirine, mangos bassignac, mangotines – ravissent nos papilles à chaque dégustation à bord.
Nous vivons également le début de la saison cyclonique, particulièrement précoce cette année. Les ondées, de plus en plus nombreuses, se succèdent, et certaines commencent même à évoluer en dépression ou tempête tropicales, comme Claudette et Dany, qui viendront nous visiter avant que nous ne décidions de prendre un peu de sud pour nous mettre à l’abri.
Un matin, nous sommes réveillés par une clameur joyeuse mais aussi quelque peu belliqueuse.
Curieux de comprendre de quoi il retourne, nous jetons un œil par le capot de descente et là, à notre grand effroi, nous apercevons un drôle de rafiot nous foncer dessus, étrangement surchargé de passagers dont les pieds traînent parfois dans l’eau.
Le souffle coupé, nous restons là tétanisés, jusqu’à ce que le canot s’éloigne après nous avoir frôlé de prêt. Mais en reprenant nos esprits, nous découvrons qu’il n’est pas le seul sur l’eau, c’est toute une armada qui a prit d’assaut notre mouillage habituellement si quiet, et ce stupéfiant ballet ne fait que commencer.
Nous comprenons rapidement que se déroulent sous nos yeux les entraînements du tour de l’île en yoles rondes. Les équipes du Marin ont investi le plan d’eau et rivalisent entre elles dans un esprit cabotin.
Nous sommes aux premières loges pour découvrir cette pratique nautique unique et spécifique à la Martinique et en ressentir la vibration profonde.
Nous nous laissons petit à petit gagner par la liesse collective et admirons avec grand plaisir ces yoles éclatantes de couleurs tout autant que l’agilité et l’intrépidité des équipages positionnés en contre-poids.
Mais nous ne pouvons nous empêcher de frémir chaque fois qu’une yole se dirige à pleine vitesse sur nous, et jusqu’à la fin de ce spectacle inattendu, nous restons malgré tout aux abois.
Brève de mer #18