Nos vacances d’été touchent à leur fin. Nous avons été chanceux.
Nous avons pu profiter de la côte nord de la Corse et des mouillages du désert des Agriates dans des conditions absolument idylliques, sans coup de vent ni houle du large.
Nous avons ainsi caboté à notre rythme entre St Florent et Calvi, nous arrêtant là où nous le souhaitions, pour y passer une ou plusieurs nuits, au gré de nos envies, nous émerveillant de la transparence de l’eau et de la richesse du camaïeu de bleu s’offrant à nos yeux .
Nous quittons ce matin Porquerolles, où nous avons fait escale sur la route de Port Leucate, mais avant de traverser le Golfe du Lion, nous avons rendez-vous dans la belle baie de La Ciotat, histoire de partager un dernier repas en famille.
Rapidement, le temps devient chafouin. Le ciel est chargé, les nuages bas. Le vent est changeant, en intensité comme en direction et, entre Porquerolles et La Ciotat, nous peinons à nous stabiliser sur une mer passablement agitée. Des orages sont annoncés mais pour l’heure, ils se font encore discrets.
Dans ces conditions inconfortables, nous entendons régulièrement à la VHF des messages d’alerte, tel ce voilier qui, en affalant son spi, s’est pris ce dernier dans son hélice ou encore cette vedette à la dérive suite à une panne moteur. Les dieux de la mer, quelque soit le nom qu’on choisisse de leur donner, semblent soudainement courroucés. Mieux vaut donc s’éloigner de ces contrées mal famées.
A notre arrivée, la renverse de vent annoncée n’est pas encore d’actualité et une longue houle du large vient déferler sur la « Grand Plage » où nous avons rendez-vous en soirée.
Nous décidons donc de nous mettre à l’abri et de patienter. Nous jetons l’ancre juste avant le petit port de La Madrague, à quelques encablures seulement des falaises de la pointe Grenier.
Une fois n’est pas coutume, nous ne testons pas notre ancrage car nous craignons de rester coincés dans les gros blocs qui jonchent le fond de l’eau. Et nous ne sommes là que pour deux petites heures tout au plus, pas davantage.
Mais voilà qu’un coup de tonnerre claque violemment. Un orage approche. D’où nous sommes, nous visualisons sans peine la progression d’un front pluvieux noir comme l’encre sur le Cap Canaille, à l’opposé de la baie.
Puis tout va très vite, s’accélère, se précipite. Quand nous voyons la mer se mettre à fumer, nous comprenons que la tempête arrive sur nous. Nous n’avons que peu de temps pour agir.
Nous intimons l’ordre aux enfants de rester à l’intérieur quoi qu’il arrive, nous allumons sans délai le moteur pour soulager au besoin notre ancre et Bertrand se précipite à l’avant pour vérifier que nous ne chassons pas dans la tourmente.
En 2 minutes à peine, des seaux d’eau nous tombent sur la tête et les rafales montent en puissance, sans fin. Nous ne sommes qu’à 10 mètres l’un de l’autre mais nous peinons à nous entendre, nos voix sont couvertes par les mugissements de ce déferlement. Chacun à notre poste, nous nous concentrons pour garder Saba face au vent et tenir jusqu’à l’accalmie. A l’intérieur, Théo sanglote, effrayé par ce déchainement soudain et nos hurlements mais l’urgence est ailleurs, impossible dans l’immédiat de le rejoindre pour le consoler.
Enfin l’orage s’éloigne. Le vent se calme rapidement et la pluie cesse également.
Nous sommes groggy, comme assommés par cette fureur inattendue, nous peinons à retrouver nos esprits. Face à l’écran de notre centrale de navigation, nous n’en croyons pas nos yeux, les chiffres enregistrés semblent délirants.
Nous venons d’encaisser 60 nœuds, en Méditerranée, en milieu de journée et en plein été ! Heureusement, notre ancre n’a pas bougé …
Brève de mer #17