Concevoir et réaliser une barre franche en lamellé-collé

 

Cet article s’inscrit dans notre défi “25 savoirs- faire & astuces en 25 semaines”.

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barre franche lamellé-colléUne barre franche en bois présente une durée de vie importante mais pas illimitée non plus. Au bout de 20 à 30 ans, il est ainsi souvent nécessaire de la remplacer, sauf si l’envie d’un changement de forme, pour l’agrément du barreur ou en améliorer l’ergonomie, s’est fait sentir plus précocement.

Mais dans l’un comme dans l’autre cas, il est souvent malheureusement bien difficile de trouver une barre de remplacement toute prête et parfaitement adaptée dans un simple magasin d’accastillage…

Si, comme nous, vous vous êtes lancés dans une construction amateur, viendra également inévitablement le moment où la question de la fabrication de la barre se posera.

Dans un tel cas, vous ne disposerez pas d’un plan ou d’un modèle pour simplement dupliquer une forme pré-existante, votre effort de conception devra être plus important pour que votre création soit adaptées aux particularité de votre voilier.

En mer plus qu’ailleurs, mieux vaut prévenir que guérir. Si votre barre vous semble fatiguée, remplacez-la sans attendre. Certains signaux doivent vous alerter, comme des traces noires autour des trous de la visserie, qui signalent généralement des entrées d’eau et donc un début de pourriture du bois. Or c’est au niveau du casque de barre que les efforts mécaniques sont à leur maximum et il s’agit donc là du point névralgique de votre système, qui cèdera en premier si vous laissez la situation s’aggraver.

Concevoir et fabriquer soi-même une barre franche en bois élégante peut sembler bien fastidieux si vous partez avec l’idée de plier selon des courbes prononcées une pièce de bois massif ou de sélectionner dans la forêt la branche qui sera naturellement tordue comme il faut, et particulièrement long si vous envisagez de contraindre la forme d’un arbre au cours de sa croissance, car cela nécessitera un certain temps !

principe barre franche lamellé-colléLa réalisation d’une barre franche en lamellé-collé est par contre une technique bien plus simple qu’il n’y paraît. Plier de fines lattes de bois, rigoureusement sélectionnées, puis les coller les unes sur les autres est relativement aisé et permet d’obtenir une forme complexe, dimensionnellement stable et possédant de très bonne propriétés mécaniques (supérieures à celles d’un bois massif car cette technique permet de purger le bois de ses défauts).

Et concevoir et réaliser soi-même sa barre en lamellé-collé peut s’effectuer tranquillement à la maison, en dehors de la saison de navigation.

Quelle(s) essence(s) de bois choisir pour réaliser une barre en lamellé-collé ?

Il est incontournable de vous renseigner auprès de votre fournisseur de bois pour obtenir son avis sur les essences de bois adaptées à votre projet. Toutefois, il convient d’avoir à l’esprit que l’essence retenue devra posséder de bonnes propriétés mécaniques car la barre franche aura à supporter des contraintes de flexion importantes au niveau de sa fixation sur la mèche du safran. Peu d’essences de bois sont naturellement résistantes aux caractéristiques de salinité et d’humidité au milieu marin. Il sera donc également nécessaire d’envisager une protection finale (vernis ou peinture).

Les essences suivantes présentent des caractéristiques intéressantes pour la réalisation d’une barre franche en lamellé-collé :

  • le frêne est un bois très élastique, facile à plier et dont les caractéristiques mécaniques sont suffisante pour une structure en lamellé-collé. C’est un bois de couleur claire.
  • Le chêne est une essence naturellement peu souple qui se casse facilement. Il n’est donc a priori pas très adapté aux forts rayons de courbure et nécessite quelques essais préalables pour bien identifier son point de rupture et ne pas le dépasser. Pour une barre franche de forme simple, il peut toutefois offrir un beau rendu avec sa couleur claire ainsi qu’une résistance élevée.
  • L’acacia est une essence que l’on peut facilement trouver d’origine française. Plus cassante que les bois exotiques et moins stable dans le temps (c’est un bois qui « travaille »), il présente toutefois l’intérêt majeur d’être naturellement imputrescible.

Hormis le hêtre relativement fragile, un grand nombre d’essences de bois peuvent donner des résultats très satisfaisants et le panel des choix possible est donc vaste.

Les bois tropicaux tel que l’acajou ou le sapelli, communément appelés « bois rouge », sont également fréquemment utilisés pour cet usage.

Dans notre cas, un ami scieur et voileux nous a proposé des lattes de platane. Ce bois était apparemment utilisé dans notre région pour certaines pièces des barques traditionnelles catalanes. Ses caractéristiques mécaniques sont un peu moins bonnes que celles du frêne ou du chêne mais suffisantes malgré tout pour l’usage auquel nous le destinions.

La majorité des essences de bois nécessite une protection qui garantira leur durabilité et leur éclat (tous les bois grisent en extérieur, y compris le teck, qui peut néanmoins être utilisé brut).

Pour éviter d’apposer un vernis compte tenu notamment de la mise en œuvre et de l’entretien que ce type de protection requière, nous avons fait le choix de protéger notre barre avec une laque. Aucun entretien n’est donc nécessaire et cette solution permet également, en apposant un enduit avant peinture, la reprise d’éventuels défauts du bois ou des marques d’outils résiduelles.

Dans l’un ou l’autre cas, il importe de bien résiner tous les trous de perçage afin d’éviter les infiltrations d’eau dans le bois et le pourrissement éventuel qui pourrait en découler.

Comment définir l’épaisseur et le profil d’une barre franche en lamellé-collé ?

L’épaisseur des lattes composant votre lamellé-collé dépend directement de l’essence de bois utilisé (plus ou moins flexible) et de la courbure à réaliser. Ainsi :

    • plus l’essence de bois choisie sera dure
    • plus le diamètre de la courbure à créer sera petit

plus vos lattes devront être fines.

Pour fabriquer notre barre franche en lamellé-collé, nous avons utilisé des lattes d’une épaisseur de 6 mm. Cette dimension étant un peu trop importante pour la courbure que nous envisagions, nous avons préalablement « étuvé » le bois pour pouvoir le mettre en forme plus facilement.

Nous n’avons pas fait un étuvage dans les règles de l’art, c’est à dire enétuvage barre franche lamellé-collé créant un bain de vapeur d’eau dans un contenant clos, mais simplement en imprégnant des torchons d’eau bouillante et en emballant nos lattes au niveau des courbes à réaliser pendant une heure environ. Nous avons ensuite contraint les lattes en forme et avons laissé bien sécher le bois dans son gabarit pour qu’il soit parfaitement sec lors de la phase d’encollage. Une fois sec, le bois garde ainsi quasiment sa nouvelle forme et le collage en sera facilité car il n’y a pas de risque de casse des lattes.

La réalisation de notre barre en lamellé-collé de 45 mm d’épaisseur au total a été réalisé avec 8 lattes collées en superposition.

profil barre franche lamellé-colléMais une barre qui présente la même largeur sur l’ensemble de sa longueur n’offre pas un très beau rendu. Il est préférable que votre barre soit plus large (et donc plus solide) au niveau du casque de barre, où les efforts sont les plus importants, puis qu’elle s’affine au niveau de sa prise en main.

S’il reste possible de raboter une barre en lamellé-collé une fois cintrée, il est toutefois assez délicat d’obtenir un rendu régulier et élégant.

casque de barre franche lamellé-colléPour définir les dimensions de notre barre au niveau du casque, nous nous sommes inspirés du fabriquant de systèmes de barre Jefa qui communique sur son site les plans des casques et des carrés de barre en fonction du diamètre de la mèche du safran.

Ainsi, nous avons retenu une largeur constante de 70 mm pour toute la partie rectiligne correspondant au casque de barre, puis nous avons diminué progressivement cette largeur pour atteindre environ 40 mm à l’extrémité de la barre. Par souci de facilité, nous avons décidé de donner cette silhouette à chacune des lattes composant notre barre en lamellé-collé avant cintrage, à plat, par simple découpe à la scie circulaire.

Par ailleurs, notre barre présente une dimension de 70 mm par 45 mm d’épaisseur à sa base mais se termine sur un arrondi de seulement 38 mm de diamètre, ce qui rend plus agréable sa prise en main. Pour réaliser cette réduction d’épaisseur, nous avons utilisé des lattes ayant une épaisseur constante que nous avons simplement affinées à leur extrémité par ponçage après collage pour atteindre le résultat souhaité.

Pourquoi créer un moule simple et bon marché ?

Dans la mesure où il s’agit de fabriquer une barre unique, voire deux au maximum, le moule à concevoir ne doit pas être trop élaboré. De plus, il sera détruit après la construction de notre barre donc il doit rester simple et bon marché, dans la mesure du possible. A chacun de faire au mieux avec les outils et les moyens disponible.

gabarit barre franche lamellé-colléNous avons choisi de dessiner numériquement la forme de notre barre franche puis de tracer son profil sur une plaque d’OSB avant de découper ce dernier à la scie sauteuse. Nous avons également prévu les emplacements nécessaires (évidement) à la mise en place des serre joints, à utiliser en nombre .

Nous avons travaillé avec ce gabarit maintenu verticalement, pour une simple question de facilité compte tenu du nombre de serre-joints utilisés (11 serre-joints pour notre barre).

Quelques précautions à prendre pour un collage et une finition impeccables !

collage barre franche lamellé-colléLe collage n’est pas une étape très compliqué puisqu’il suffit d’encoller chacune des lattes composant le lamellé-collé avec de la résine époxy chargée (charge structurelle pour joint congé de type woodfill 250 de chez Sicomin) puis de les serrer toutes ensemble.

Bien entendu, même avec beaucoup de précaution dans la pose de votre résine, lors du serrage, cette dernière risque fortement de sointer le long de votre barre.

aide démoulage barre franche lamellé-colléIl faut donc faire attention de ne pas coller votre gabarit avec la barre. Par sécurité, vous pouvez apposer de la cire de démoulage ou une quelconque autre protection (scotch ou plastique) pour pallier ce risque.

Il est important de bien laisser sécher la barre franche en lamellé-collé (au minimum 24h) mais cela dépendra bien entendu de la température ambiante au moment de votre réalisation ainsi que du type de résine utilisé et de ses caractéristiques propres (comme ses conditions optimales de séchage) avant de procéder au démoulage.

finition barre franche lamellé-colléUne finition de votre barre franche en lamellé-collé au rabot ou à la ponceuse pourra être envisagée en fonction de l’état de votre pièce au sortir de son moule.

Ainsi les coins peuvent être joliment arrondis à la défonceuse, très progressivement dans les courbes toutefois afin de ne pas entraîner d’éclats. Puis l’ensemble pourra être soigneusement poncé.

Pour notre barre, le bois n’étant pas destiné à rester apparent, nous avons réalisé, au niveau de chaque trou de perçage (destiné à permettre la fixation du casque et des sticks), des inserts en résine chargée afin d’éviter toute infiltration d’eau dans le bois. Le principe de l’insert consiste à réaliser un perçage plus gros que le diamètre de la vis ou du boulon à utiliser puis de le remplir de résine chargée avant de réaliser le perçage définitif. Ainsi, la vis ou le boulon ne sera qu’en contact avec de la résine époxy, complètement étanche, ce qui assurera la durabilité de votre barre franche en lamellé-collé.

Nous avons également, en complément, imprégné à l’époxy l’ensemble de notre barre, avant sa mise en peinture.

Quel matériau choisir pour le casque de barre ?

Etant confronté à la réalisation d’une barre neuve, nous avons du également nous occuper de créer les casques de barre. Ne disposant pas l’outillage spécifique pour travailler l’inox nous avons tout d’abord recyclé les chutes de carbone dont nous disposions pour réaliser nos casques en carbone.

casque carbone barre franche en lamellé-colléNos précédentes expériences d’utilisation de ce matériau ayant été pleinement concluantes, nous étions confiants dans la tenue mécanique de ce dernier. Nous étions même allés jusqu’à le coller tout simplement à l’époxy directement sur la barre.

Néanmoins, ces casques de barre ont rapidement commencé à se décoller sous l’effet des contraintes. D’autre part, les frottements entre le carbone et barre 5l’inox au niveau de l’articulation ainsi que des vis permettant le réglage de la hauteur de la barre, ont progressivement grignoté le carbone.

Au bout d’une saison de navigation seulement, la souplesse de la barre babord à commencé à devenir préoccupante (heureusement, nous en avons 2 à bord de Saba) et nous avons finalement rapidement remplacé ce premier casque carbone par un casque en inox de 3mm d’épaisseur. barre franche lamellé-collé cockpit Saba

Tout est ainsi rentré dans l’ordre et nos barres actuelles nous donnent dorénavant entière satisfaction.

Pour découvrir d’autres techniques d’assemblage du bois à l’époxy, vous pouvez consulter notre articleComment allier bois et époxy pour un mariage réussi ?“.

Nous vous souhaitons bon vent et bonne mer.

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2 comments

  1. Pierre Brérot - Répondre

    Comme toujours très intéressant, très bien fait. Comme cela paraît facil.
    félicitations.

  2. Philippe Arnoult - Répondre

    Merci pour votre documentation très synthétique et pédagogique.

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