Embarquer un équipier ou pas : comment faire son choix ?

embarquer un équipierLorsque l’on voyage en équipage réduit ou en famille, et qu’une traversée de plus d’une semaine se profile à l’horizon, il arrive que l’on se pose la question d’embarquer un équipier, avec comme motivation première, la plupart du temps, l’envie de réduire la fréquence des quarts de nuit.

Mais est-ce une motivation suffisante pour ouvrir notre univers familial à un (ou des) parfaits inconnus ? Notre voilier permettra t-il à chacun de garder un minimum d’intimité ? Notre organisation familiale saura t-elle s’adapter pour que chacun trouve pleinement sa place à bord le temps de la traversée dans cet espace restreint et en vase-clos que constitue un voilier ?

équipier versus bateau-stoppeurIl est important d’avoir en tête que la plupart des personnes qui cherche un embarquement n’a que peu, voire pas du tout, d’expérience nautique. Beaucoup de jeunes, solo ou en couple, en recherche d’un embarquement sont en road trip autour du monde et voient dans une traversée de quelques jours ou une transat une façon de se déplacer à moindre coût en échange de quelques services ainsi qu’une expérience peu commune à laquelle ils ont envie de se confronter. Nombre d’entre eux sont également sensibles à l’écologie et voient dans le voilier un mode de déplacement respectueux de l’environnement.

La plupart est donc très motivée mais relativement peu expérimentée, sauf peut être quelques perles rares, et il convient de garder à l’esprit qu’ils ne seront pas autonomes pour gérer le voilier pendant nos périodes de repos, simplement présents pour assurer une veille et nous solliciter en cas de besoin.

Le qualificatif d’ « équipier » est ainsi souvent excessif, nous embarquons plutôt un (ou des) « bateau-stoppeurs», certes a priori de bonne volonté et disposé(s) à apprendre quelques rudiments de navigation, mais parfois mal préparés aux réalités de la vie en mer et qu’il faudra donc gérer en plus de son équipage familial.

Et il ne faut pas perdre de vue que nous restons pleinement en responsabilité vis-à-vis de l’ensemble de notre équipage, permanent comme temporaire, tout au long de notre traversée.

Alors, le jeu en vaut-il la chandelle ?

Voici quelques questions essentielles à se poser avant de se décider à embarquer un équipier à bord de son voilier.

Quelles sont vos conditions d’accueil à bord ?

conditions d'accueil d'un équipierAvant d’envisager d’embarquer un «équipier» pour une navigation de quelques jours à quelques semaines, soyez bien au clair avec vous même : qu’êtes vous prêt à accepter et qu’est ce qui est totalement rédhibitoire pour vous ? Par exemple, posez-vous la question d’accueillir à bord un fumeur invétéré si vous même ne supportez l’odeur de la cigarette !

De la même façon, dressez la liste précise de vos conditions de vie à bord :

  • quel accueil êtes vous en capacité d’offrir : une cabine indépendante et des toilettes privatives ou des lieux de vie partagés voire une simple bannette dans le carré ?

  • quel est le confort disponible à bord de votre voilier : l’eau douce sera t-elle rationnée, notamment pour la toilette, disposez-vous d’un frigo pour garantir des boissons fraîches, la lumière pourra t-elle être allumée jusqu’à tard dans la nuit en cas d’insomnie ou d’une envie irrépressible de lecture, naviguez vous sous pilote ou barrez-vous régulièrement, autoriserez-vous l’envoi ponctuel de messages aux proches de vos équipiers si vous êtes équipés d’un téléphone satellite ?

  • quelles sont les particularités de votre bord : des enfants en bas âge, des ados, une alimentation végétarienne, certaines convictions religieuses, des animaux embarqués … ?

  • qu’attendez-vous comme participation aux tâches quotidiennes : préparer les repas, faire la vaisselle, assurer des quarts de veille, participer aux manœuvres, jouer avec les enfants … ?

  • recherchez-vous un niveau minimal de connaissances nautiques ? Gardez à l’esprit qu’un grand débutant est parfois plus facile à «coacher» qu’un équipier plus expérimenté qui pourrait avoir tendance à prendre des initiatives inappropriées ou à discuter les consignes du chef de bord

  • quelle participation aux frais du bord prévoyez vous de demander aux personnes que vous accepterez d’embarquer et quels frais est elle destinée à couvrir (en général, pour couvrir les dépenses d’alimentation et de gasoil) ?

Par ailleurs, avant d’accueillir du monde à votre bord, même temporairement, vérifiez que vous resterez en règle en matière de sécurité :

  • votre survie est elle correctement dimensionnée ?

  • disposez-vous des équipements individuels de sécurité (équipement de flottabilité, dispositif lumineux, harnais, longe, …) pour vos nouveaux embarqués ?

Gardez à l’esprit que le respect de ces règles reste totalement de votre responsabilité, en votre qualité de skipper et de propriétaire du voilier.

Sur quels critères choisir un « équipier » ?

rôle de l'équipierAprès avoir précisé ce que vous êtes en capacité d’offrir comme conditions d’embarquement, listez l’ensemble des points à aborder préalablement avec vos « équipiers » potentiels avant toute décision définitive :

  • rappelez bien qu’un voyage en voilier prend du temps, que vous serez soumis aux aléas du vent et de la mer et que vous ne pouvez garantir avant de partir une date d’arrivée précise. N’embarquez pas des équipiers qui auraient un impératif calendaire strict de l’autre côté de l’atlantique comme un trajet en avion par exemple, vous risqueriez de vous mettre dans la difficulté et de vivre quelques tensions si d’aventure votre navigation prenait plus de temps qu’initialement envisagé.

  • certaines traversées peuvent être éprouvantes, en raison du mauvais temps ou, au contraire, en l’absence de vent qui peut finir par taper sur les nerfs. Vérifiez que vos « équipiers » sont d’un naturel plutôt patient, et aptes à accepter les impondérables de la navigation à la voile.

  • dans le même registre, lors d’une traversée, on se retrouve plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sans voir la terre. Se retrouver ainsi loin de tout, au milieu d’une étendue d’eau à perte de vue, sans réseau pour communiquer avec ses proches peut devenir, pour certains, anxiogène. Assurez-vous que cet aspect de la navigation à venir a parfaitement été appréhendé et sera pleinement géré.

  • vérifiez que vos équipiers savent nager, cela peut vous semblez tomber sous le sens mais sait on jamais !

  • si vos futurs « équipiers » n’ont jamais navigué, il peut être intéressant de prévoir quelques heures en mer avant le grand départ, sous différentes allures, du prés serré au grand large, afin de vérifier leur sensibilité au mal de mer. Si ce dernier s’avère être un risque avéré, n’hésitez pas à imposer à vos équipiers de se doter de leur traitement personnel pour ne pas épuiser vos ressources propres. De même, questionnez les sur leurs éventuelles fragilités en terme de santé et assurez vous qu’ils disposent d’une pharmacopée adaptée.

  • faites le point sur le matériel nautique dont dispose votre équipier (veste de quart, chaussures de pont, harnais, longe, …) afin de vérifier s’il sera nécessaire de compléter ce dernier et si vous disposez d’ores et déjà du nécessaire à bord

  • posez clairement sur la table les interdictions du bord que vous aurez préalablement listé : fumer à l’intérieur, manger dans les cabines, boire de l’alcool, .. ainsi que les tâches pour lesquelles vous attendez une participation collective.

  • et précisez enfin en toute transparence la participation que vous sollicitez à la caisse du bord pour couvrir les frais de la traversée (essence, port, …) et l’alimentation.

Il peut être intéressant de recenser l’ensemble de vos conditions d’accueil et règles de vie à bord dans un contrat d’embarquement écrit et co-signé, afin de limiter les points de divergence en cours de route et de laisser naître des tensions malvenues.

Vous trouverez en téléchargement une trame de contrat d’embarquement temporaire (version .odt  ou .pdf) que nous vous proposons d’améliorer ensemble. N’hésitez donc pas à nous transmettre vos remarques, compléments, suggestions, propositions en commentaires afin de co-construire un support utile à tous.

Où et comment trouver un « équipier » ?

trouver un équipierLa plupart des bateau-stoppeurs en recherche d’un embarquement est bien renseignée sur les routes principales suivies par les plaisanciers et les saisons de navigation. Il n’est donc souvent pas nécessaire d’aller les chercher bien loin, certains rejoignant d’eux-même les principaux ports de départ et d’escale stratégique ou proposant leur candidature sur les réseaux sociaux pour trouver le skipper qui acceptera de les embarquer.

La demande est ainsi souvent supérieure à l’offre en fin d’année, par exemple dans les îles Canaries, et il peut être judicieux d’attendre de rencontrer physiquement les divers « candidats » avant de se décider définitivement.

Si votre programme présente quelques particularités ou si vous souhaitez avoir la certitude de trouver un « équipier » supplémentaire pour une navigation spécifique, vous pouvez aussi diffuser par anticipation une petite annonce sur Internet. Il existe de nombreux sites mettant en relation les capitaines qui cherchent des équipiers et vice versa, comme notamment :

Vos premiers pas avec votre équipier

Votre décision est prise, vous allez embarquer un «bateau-stoppeur» et vous avez trouvé le candidat qui vous semble idéal pour partager cette aventure que représente votre prochaine traversée.

l'autonomie de l'équipierSi votre futur équipier dispose de quelques connaissances nautiques, précisez clairement avant le départ ce que vous acceptez qu’il fasse à bord en toute autonomie et les manœuvres qui ne se feront que sous votre seule directive, afin d’éviter tout risque d’initiative inappropriée et potentiellement fâcheuse.

équipier noviceSi votre bateau-stoppeur est novice en matière de navigation à la voile, n’essayez pas de tout lui inculquer avant le départ, vous risqueriez de le noyer sous un tas de vocables techniques qui ne lui diront absolument rien. Limitez vous à expliquer comment gérer les situations les plus critiques, comme une route de collision ou la procédure de l’homme à la mer. Le reste s’apprendra progressivement, au fil des jours et des manœuvres, ainsi que par imitation, car vos «passagers» ayant à cœur d’apprendre ne manqueront pas de vous observer attentivement et de reproduire vos propres gestes.

Associez votre nouveau membre d’équipage dans la mesure du possible aux préparatifs d’avant départ : nettoyage du voilier, avitaillement, rangements. Cela lui permettra de se familiariser avec votre propre organisation et d’être déjà à l’aise à bord lorsque vous lèverez l’ancre.

trouver le bon équipierPrenez le temps de vérifier quels sont ses goûts et préférences pour en tenir compte tout au long de votre cohabitation, s’il est sujet à des intolérances alimentaires voire allergique à certaines denrées.

Sans compter que quelques jours de cohabitation avant le départ en traversée vous permettront de confirmer votre ressenti initial et de vous assurer de votre compatibilité d’humeur avant de partir en mer !

 

Accepter à notre bord des personnes étrangères est une concession à notre intimité. Leur apprendre la voile, leur offrir une expérience de navigation, leur faire vivre une aventure unique, est une décision plutôt généreuse.

Il est donc naturel d’attendre en retour de ses « équipiers » la même gentillesse, sympathie, considération, respect. Mais il arrive que les efforts, les frustrations, voire le mal de mer, vécus au cours de la traversée, génèrent à l’inverse un manque de reconnaissance, parfois même une acrimonie vis à vis du chef de bord, considéré alors comme responsable des difficultés rencontrées, ce qui peut être déroutant, déstabilisant, frustrant.

Mieux vaut donc ne pas avoir trop d’attentes vis-à-vis de son bateau-stoppeur, et vivre une belle surprise plutôt qu’une amère déception !

” On n’a jamais hésité sur ce sujet, pour nous c’était hors de question de faire la transat à deux avec les enfants. Je m’occupe de leur faire la classe tous les jours, et il me semblait important de leur prévoir des activités chaque jour pour qu’ils ne deviennent pas fous. Du coup, avec l’intendance en plus, on a considéré qu’il fallait que je sois « jours quart » pendant toute la durée de la transat.

On cherchait donc une voire 2 personne à embarquer, on a une cabine libre de toute façon. On a vite vu que personne dans notre entourage ne pourrait le faire. On a donc cherché des volontaires en ligne sur les bourses aux équipiers. On savait qu’il y avait beaucoup de demande d’embarquement car Oliv avait fait une transat comme cela deux ans plus tôt et il n’avait pas eu beaucoup de choix. On a tout de suite trouvé 2 étudiantes qui faisaient une année de césure. On était ravis jusqu’au moment où elle nous ont laissé un message pour nous dire que finalement elles ne viendraient pas car elle préféraient faire ça avec un skipper pro, leurs parents trouvant qu’on était pas assez expérimentés. Coup dur, surtout pour moi qui me suis sentie du coup folle d’embarquer mes deux enfants là dedans !!! Et puis on n’a finalement retrouver très vite un autre couple d’étudiants, Emma et Manolis.

On a eu de la chance car ils étaient très cool, ils campaient avec des potes sur Gran Canaria ce qui nous a sauvé car nous sommes partis une semaine plus tard que prévu, le bateau étant à sec pour réparations. D’autres auraient pu repartir n’ayant pas le temps de nous attendre. C’est une donnée importante je pense au moment de choisir un équipier, quelle souplesse il a dans son emploi du temps.

La transat s’est très bien passé, on s’est bien entendu tout le long. Les quarts étaient organisés pour la nuit, pas trop le jour car j’étais toujours réveillée et en forme du coup. De 18 a 21h c’était le moment où tout le monde était dans le cockpit, apéro, guitare, dîner…

Emma a été malade presque tout le long, pour elle comme pour Oliv du coup, ça pu être difficile à certains moments. Pas idiot peut-être de vérifier avant d’embarquer un équipier s’il souffre du mal de mer.

Bref, on est très content de notre expérience qu’on recommande. Bon à savoir : aux Canaries il y a beaucoup de bateau stop. On peut facilement trouver des équipiers sur place quelques jours avant de partir. »

Camille & Olivier, d’AVAE REVA

Nous vous souhaitons bon vent, et bonne mer

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1 comment

  1. BENOIT-LÉVY Rodolphe - Répondre

    Merci pour votre publication 🙂

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