Depuis que nous avons pris la décision de lever l’ancre pour notre aventure familiale au long cours, nous observons avec de plus en plus d’amusement que toute personne qui découvre notre projet s’exclame tout d’abord avec admiration et enthousiasme puis, immanquablement, nous pose la question suivante : « et pour l’école, vous allez faire comment ? » ?
L’école n’est pas obligatoire, c’est l’instruction qui l’est !
Il est en effet encore peu connu que la fréquentation d’un établissement scolaire n’est pas obligatoire en France, c’est l’instruction des enfants de 6 à 16 ans qui l’est. Il est donc possible de ne pas les scolariser et de les instruire en famille, pour des raisons qui peuvent être variées, motivées par un isolement géographique, la maladie ou le handicap, une souffrance scolaire, un voyage à l’étranger mais également l’envie d’expérimenter un autre choix pédagogique, plus en adéquation avec les spécificités de ses enfants et ses propres valeurs.
L’instruction en famille (IEF) est un droit légal, il n’y a pas d’autorisation à demander et chaque famille peut donc opter pour ce mode d’éducation. L’instruction dispensée doit permettre à l’enfant de maîtriser, à 16 ans, les savoirs et compétences du socle commun défini par l’Education Nationale mais il n’y a aucune obligation à suivre le programme scolaire année après année, ce qui laisse une grande liberté pédagogique aux familles qui font le choix de l’IEF.
Il est important de retenir que les cours par correspondance réglementés dispensés par le CNED n’entrent pas dans le champ de l’IEF. Ces derniers permettent de suivre strictement le programme scolaire, d’obtenir le passage dans la classe supérieure ainsi qu’un certificat de scolarité. Ils nécessitent toutefois de s’astreindre à des évaluations régulières qui doivent impérativement être renvoyées à date fixe, ce qui reste très contraignant dans un contexte de voyage au long cours, bien qu’il soit a priori dorénavant possible de transmettre les documents par voie dématérialisée.
A noter également que depuis peu, les cours réglementés du CNED sont payants pour les enfants résidant hors de France, dans le cadre d’un voyage itinérant par exemple.
Qu’appelle t-on Instruction En Famille ?
L’instruction en famille se décline sous de multiples formes mais nous avons essayé de les regrouper selon les 3 principales modalités.
L’instruction formelle
Proposés par divers cours privés par correspondance (comme Ker Lann ou Legendre pour les plus connus) mais également par le CNED, ces cours non réglementés permettent aux enfants de suivre tout ou partie du programme scolaire en avançant à leur rythme, sans pression ni évaluation. Ces cours sont payants et en règle générale d’un coût relativement élevé.
L’instruction informelle
Il s’agit des apprentissages autonomes dont la philosophie repose sur l’idée que les apprentissages sont un processus naturel chez l’être humain, mais qu’ils doivent être guidés par la volonté et le plaisir, non par la contrainte ou une obligation extérieure.
Le parent n’enseigne pas à son enfant, il écoute et accompagne. C’est l’enfant qui sollicite l’adulte par son esprit curieux et ses nombreuses questions et tous les instants du quotidien deviennent ainsi des occasions pour enrichir ses connaissances. Cela peut se résumer ainsi : le parent propose, l’enfant dispose !
Les apprentissages autonomes sont particulièrement adaptés à un environnement riche, au sein duquel l’enfant bénéficie régulièrement de lectures, d’outils (jeux, activités manuelles et/ou artistiques, expériences scientifiques), d’activités quotidiennes (cuisine, bricolage, ménage), de sorties culturelles, scientifiques, sportives, ainsi que de rencontres avec différentes personnes de tous âges et de toutes cultures.
Ces apprentissages informels présentent comme avantage de susciter l’intérêt de l’enfant en ayant du sens pour lui et respectent son rythme de travail et d’acquisition, sans être planifiés à l’avance.
L’instruction semi-formelle
Il s’agit là d’un mix entre les 2 modalités précédentes. L’enfant suit globalement le programme scolaire mais sans le support d’un cours par correspondance. Les parents définissent librement les supports et le rythme des apprentissages, en fonction de leurs objectifs, des besoins ou des demandes de l’enfant, ce qui leur permet de s’adapter aux particularités de ce dernier et à son rythme de développement.
Un certain nombre de familles ont recours, dans ce cadre particulier, aux pédagogies alternatives comme Montessori ou Steiner et inventent au quotidien leur propre méthode d’instruction en sélectionnant et en imbriquant ce qui leur correspond le mieux dans l’une ou l’autre de ces différentes approches pédagogiques.
Quel choix d’instruction faisons nous en voyage ?
Nous avons fait le choix de ne pas utiliser les cours réglementés du CNED car nous ne partons pas en voyage pour reproduire à bord les crispations que nous rencontrons à terre avec nos enfants quand il s’agit de les mobiliser sur leurs apprentissages scolaires et les devoirs à la maison. Nous avons envie que ce voyage nous permettre de vivre leur instruction autrement, sans pression inutile, et d’expérimenter à cette occasion d’autres approches en nous appuyant majoritairement sur notre quotidien en croisière pour partager et échanger avec eux, réveiller leur curiosité, donner du sens à ce qu’ils découvriront et les laisser progresser au rythme de leurs centres d’intérêts.
Cette décision de nous lancer dans l’IEF effraie quelque peu notre entourage. Nous sommes régulièrement confrontés à des arguments du style : « les enfants vont être isolés sans relations régulières avec d’autres enfants du même âge, ils vont être marginalisés, comment va se passer leur orientation ? Et le bac, ils ne pourront pas le passer, vous allez pénaliser leur avenir, enseigner c’est un vrai métier, … »
Ces affirmations traduisent parfois, maladroitement, une sincère inquiétude, mais sont malheureusement le plus souvent péremptoires et ne souffrent pas la contestation. Nous nous rendons compte que l’IEF est encore très mal connue et bouscule alors chez certains l’ordre établi et des croyances profondément ancrées. Nous essayons donc de partager ce que nous ressentons après quelques années de scolarisation, notamment l’esprit de concurrence et de compétition qui se développe entre les enfants, les classes surchargées qui ne facilitent pas l’accompagnement bienveillant et personnalisé dont ont besoin certains, l’uniformisation de la pensée et des comportements, l’extinction progressive de la curiosité et de l’enthousiasme face à la nouveauté.
Face à ce constat, les principes fondateurs des apprentissages autonomes nous ont tout particulièrement interpellé et, en nous documentant plus avant sur cette forme d’instruction également désignée sous le vocable de « unscholling », par des lectures, des rencontres, des retours d’expériences, des conférences, nous avons senti quelque chose vibrer en nous, résonner avec nos valeurs profondes et les qualités que nous avons envie de réveiller chez nos enfants, que Lise Desportes a su si joliment et justement illustrer dans sa bande-dessinée autobiographique « Jolis sauvages » :
Notre croisière familiale à la voile et au long cours nous semble être une opportunité pleinement adaptée pour expérimenter le unscholling avec nos enfants. En effet, ce mode de vie nomade, intimement dépendant de notre environnement, est une source inépuisable de découvertes directement perceptibles et observables, donc pleinement accessibles, qu’elles soient géographiques, culturelles, historiques, naturelles, linguistiques, physiques, sans oublier leur caractère souvent insolite et étonnant, en un mot, magique !
Toutefois, nous ne souhaitons surtout pas leur imposer notre vision des choses. Nous échangeons donc régulièrement avec eux sur ce point qui les concerne au premier chef et nous avons à cœur de répondre à leurs demandes, en leur offrant bien entendu également la possibilité de changer d’avis au cours du temps.
Ainsi, si notre fils valide pleinement l’option « apprentissages autonomes », notre fille se sent pour le moment plus rassurée avec des cours par correspondance. Nous nous adaptons donc à chacun sans idée préconçue ni dogmatisme.
Depuis que nous l’avons découvert, nous approfondissons jour après jour avec curiosité et intérêt notre connaissance du unscholling, qui peut prendre diverses formes (worlscholling, ownscholling) et suscite parfois des débats d’experts, pour nous faire notre propre idée, trouver ce qui nous correspond vraiment et définir notre organisation à venir.
Nous avons notamment été accompagné sur ce chemin par Anne-Estelle du blog « plaisir d’apprendre » qui nous a beaucoup apporté, tant sur le plan de la réflexion que grâce à son témoignage personnel ou encore au regard des idées d’outils existants possibles à mettre en place. Nous avons donc souhaité lui proposer de témoigner dans cet article sur ce qui l’a convaincu de choisir le unscholling pour sa fille Djanaé, sur son propre retour d’expérience ainsi que sur les atouts qu’une vie nomade peut présenter lorsque l’on fait ce choix pédagogique pour ses enfants.
Quelles formalités doit on remplir pour se lancer dans l’IEF ?
Pour terminer, quelles sont concrètement les démarches à effectuer pour se lancer dans l’IEF ?
Et bien, deux courriers suffisent, le premier pour se déclarer auprès de la mairie de son lieu de résidence et le second à destination de l’inspection d’académie. La mairie procède ensuite tous les 2 ans à une enquête afin de vérifier la compatibilité de l’IEF avec les conditions de vie de votre famille et un entretien pédagogique est réalisé chaque année par un inspecteur d’académie avec l’enfant et sa famille pour évaluer la progression de l’instruction.
Dans le cas d’un long projet de voyage à l’étranger comme le nôtre, ces modalités sont bien entendu à adapter et rien de tel qu’un contact préalable avec ces deux administrations pour leur exposer les spécificités de notre projet et définir avec eux une marche à suivre spécifique, comme un entretien via skype par exemple.
Nous laisserons le mot de la fin à Ken Robinson qui explique, avec humour mais également justesse et sensibilité, pourquoi l’école telle que nous la connaissons depuis 200 ans « ne marche plus » dans son paradigme de l’éducation !
L’instruction c’est comme la liberté, ça ne se donne pas, ça se prend – Joseph JACOTOT
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