Savez-vous que les navigateurs du Vendée Globe utilisent les données de plus de 20 satellites différents durant leur tour du monde ?
Et ce, uniquement pour pouvoir réaliser leurs analyses météo car si l’on compte également les satellites nécessaires à leur positionnement GPS ou GALILEO, à leur sécurité avec les balises de détresse du système Cospas-Sarsat ou aux télécommunications IRIDIUM et INMARSAT, ce chiffre explose !
Les coureurs au large utilisent ainsi de nombreux satellites géostationnaires, qui leur permettent de couvrir l’ensemble de la surface du globe depuis une orbite positionnée à la verticale de l’équateur, et en particulier les satellites de l’agence Européenne Eumetsat, ceux de l’agence américaine de la NOAA ainsi que des satellites d’origine russe, chinoise, indienne & japonaise.
Mais ils utilisent également des satellites en orbite basse de la NOAA et d’Eumetsat. comme le satellite Jason pour l’altimétrie spatiale au niveau de la mer, qui permet la prévision des courants de surface ou le satellite Sentinel-1 pour la détection des icebergs, qui constitue pour le moment l’unique moyen de surveiller les zones vastes et dangereuses autour de l’océan Austral de jour comme de nuit, y compris à travers les nuages.
Bref, finalement, nos coureurs au large ne sont peut-être plus aussi seuls à leur bord lors des grandes courses océaniques que par le passé !
Aujourd’hui, les données des satellites géostationnaires nous fournissent, par exemple, des images et des animations dans le domaine du visible, qui permettent d’apprécier la densité nuageuse ainsi que des images thermiques infrarouges, utiles pour connaître l’altitude des nuages.
Si cette technologie vous est encore peu familière, nous vous invitons à lire l’article «Le b-a-ba à connaître pour bien débuter avec les images satellites météo » avant d’aller plus loin.
Avec les seules données du visible et de l’infrarouge, nous pouvons déjà analyser énormément de situations météo et ainsi sécuriser nos navigations côtières. Car si l’imagerie satellite est disponible au large, le coût des liaisons satellites performantes qu’elle nécessite, très onéreuses, la réserve encore pour quelques temps aux événements type Vendée Globe.
Lors d’une navigation de plaisance, si vous restez à portée du réseau 4G, vous pouvez toutefois bénéficer de cette météo satellite en temps (quasi) réel et ainsi analyser divers phénomènes météo afin de les anticiper au mieux.
L’établissement de la brise thermique
La brise thermique se repère facilement sur les images satellites dans le domaine du visible :
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les cumulus du front de brise sont alignés parallèlement à la côte, à faible distance du littoral à l’intérieur des terres
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une zone claire, en mer et sur le littoral, indique la zone d’influence de la brise
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une zone plus sombre, à la limite de la boucle de brise, indique l’étendue de la brise vers le large et correspond à une zone de transition peu ventée
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Ces quelques informations, disponibles en temps réel au cours de votre navigation, vous permettent de vérifier l’établissement de la brise thermique et son étendue exacte, et ainsi d’exploiter au mieux cette jolie brise pour, pourquoi pas, vous amuser à régater avec les autres plaisanciers présents sur le plan d’eau.
L’exemple ci-dessous, sur la côte du Brésil, montre un front de brise assez reculé à l’intérieur des terres, du fait d’une pénétration assez importante de l‘alizé océanique. Les circulations de brise s’inscrivent dans la circulation des alizés, et peuvent infléchir sa direction dans les basses couches tout en renforçant sa vitesse dans l’après-midi.Par contre, les brises nocturnes sont peu visibles sur la météo satellite car la nuit, seule l’imagerie infrarouge est disponible et les nuages bas de la brise y sont difficilement repérables (confusion entre sol / mer et nuage bas, qui présentent des températures voisines)
L’arrivée d’un front froid
Un front froid est parfaitement visible sur l’imagerie visible & infrarouge, d’autant plus s’il est particulièrement actif.
La météo satellite permet en effet de repérer :
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l’activité du front, liée à la présence d’importants cumulonimbus : ces nuages visibles à la fois dans les domaines visible & infrarouge génèrent le plus souvent des grains actifs et donc des rafales de vent violentes
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l’activité de la traîne également parfaitement décrite par l’imagerie satellite car une traîne active est visualisable par la forte convection des cumulus et les amas de cumulonimbus, pouvant éventuellement dégénérer en dépression secondaire
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l’étendue de la traîne
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L’imagerie satellitaire donne ainsi en temps réel de précieuses indications pour la négociation d’un front froid et de sa traîne, en permettant d’apprécier le risque qu’il y a à traverser cette zone perturbée. Elle apporte des informations en temps réel, précises et parfaitement localisées, quand les modèles numériques peinent à le faire du fait de leur niveau de résolution.
Pour aller plus loin dans le repérage des fronts froids, nous vous invitons également à consulter cet article complémentaire « Pourquoi & comment suivre un front froid en navigation ? » qui vous permettra d’identifer un frond froid grâce à l’application Windy.
L’arrivée d’un front orageux
Un front orageux est toujours lié à une forte instabilité verticale de l’atmosphère, qui favorise la convection et donc l’apparition des cumulonimbus.
La météo satellite peut apporter de précieux renseignements sur ces situations perturbées :
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l’imagerie infrarouge colorisée permet de repérer les cumulonimbus à forte extension verticale, colorés en rouge, susceptibles de générer des grains violents (mais pas toujours)
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les animations permettent de préciser les trajectoires à court teme, ainsi que d’observer le stade de développement du front orageux (gonflement ou dissipation) mais attention toutefois, si la durée de vie d’un cumulonimbus est relativement courte (1 à 2 heures), un cumulonimbus peut aussi en cacher un autre !
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si la zone de navigation est également couverte par l’imagerie des radars météos, il est intéressant de visualiser les zones de précipitations intenses, qui sont la plupart du temps le siège des orages.
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L’imagerie ci-dessous, qui correspond au sud de la Sardaigne fréquemment concerné par de violents orages, montre bien les zones de plus fortes extensions verticales des cumulonimbus, qui correspondent aux précipitations les plus intenses ainsi qu’aux zones orageuses :
Pour en apprendre davantage sur le suivi des orages par imagerie satellite, n’hésitez pas à aller découvrir notre article « Comment localiser et suivre les orages par images satellites ? ».
L’effet du vent sur un relief
La présence conjuguée de vent et de reliefs peut conduire à l’apparition de nuages appelés nuages orographiques. La forme et la répartition de ces nuages dépendent de la vitesse du vent, de l’altitude, de la forme du relief ainsi que de la stablité de l’air.
Vus du ciel, il est possible d’en identifier quelques uns.
Ainsi, dans un détroit bordé de reliefs élevés, le vent est accéléré et laisse apparaître sa signature nuageuse sur les reliefs environnants.
Par exemple, à l’ouest de la Méditeranée, le vent d’Est est canalisé dans la mer d’Alboran. On retrouve donc les nuages orographiques sur les reliefs Marocains & Espagnols, à l’est du détroit de Gibraltar.
Ces nuages orographiques sont donc le témoin de la présence du vent à proximité.
L’arrivée d’une onde tropicale
Egalement appelées ondes d’Est, les ondes tropicales sont des perturbations de l’alizé profond durant la saison humide sur l’Atlantique tropical. Ces ondes naissent souvent en sortie d’Afrique ou au niveau des Iles du Cap Vert, puis se déplacent d’Est en Ouest. Elles se succèdent généralement tous les 3 à 5 jours. Certaines d’entre elles peuvent donner naissance à un phénomène cyclonique, en évoluant en dépression ou en tempête tropicale.
Les ondes tropicales s’accompagnent la plupart du temps de conditions très perturbées pour la navigation, car les grains et orages y sont nombreux.
L’axe de progression de l’onde est marqué par des nuages à fort développement.
L’alizé tourne au Nord Est avant le passage d’une onde puis bascule au Sud-Est derrière elle.
La convection n’est pas encore très marquée sur l’imagerie infrarouge ci-dessus et cette onde n’est donc que peu active pour le moment. Par contre, l’évolution d’un tel phénomène peut être très rapide, et en quelques heures, la convection peut se renforcer fortement. Si les conditions environnementales à proximité immédiate de l’onde sont favorables, un développement en dépression tropicale puis en tempête tropicale n’est pas à exclure.
L’onde ci-dessous montre une convection plus marquée et organisée que la précédente.
Seule la météo satellite peut nous renseigner sur l’activité d’une onde en temps réel, ainsi que sur sa position exacte, ce qui est utile pour négocier au mieux son franchissement lors d’une navigation ou modifier le timing de sa navigation.
Le repérage des alizés
Les cumulus et altocumulus, regroupés en cellules ou en lignes dans les alizés, se repèrent aisément dans le visible mais beaucoup plus difficilement dans l’infrarouge, car leur couleur grisâtre se confond avec l’océan.
L’analyse de la météo satellite renseigne sur :
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la direction du vent en surface, grâce à l’alignement des nuages d’alizés
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la force de l’alizé car :
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plus les nuages présentent des bords nets et sont individualisés, plus l’alizé est fort
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plus les nuages sont soudés entre eux et présentent des bords flous, moins l’alizé est fort
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la présence d’une onde ou d’une dépression tropicale, qui génère des amas convectifs en forme de V inversé ou tourbillonnaires
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L’imagerie ci-dessous montre le pot au noir (ou Zone Intertropicale de Convergence), qui marque la convergence entre les Alizés de l’hémisphère Nord et ceux de l’hémisphère Sud. Le pot au noir se caractérise par des nuages présentant une forte convection, générant de fortes précipitations, et s’accompagnant de larges zones de vents variables ou de zones de calme, parfois éprouvantes pour les marins.
Cette imagerie montre très bien la zone sous l’influence d’un alizé modéré dans l’atlantique Sud dans le domaine du visible, ainsi qu’une petite perturbation de l’alizé dans sa partie Nord.
Grâce à ces quelques illustrations, vous avez pu mesurer les nombreuses possibilités offertes par l’imagerie satellite en matière de météo marine, et comprendre l’intérêt de ces données pour compléter les prévisions fournies par les modèles numériques.
En effet, la météo satellite apporte des données complémentaires, en temps réel, qui permettent de préciser l’étendue, la localisation et l’intensité de certains phénomènes, et ainsi de confirmer ou d’infirmer les données brutes de modélisation.
Nous ne vous avons présenté ici que des images du domaine du visible et de l’infrarouge, issues des satellites géostationnaires.
Il est donc facile d’imaginer qu’avec toutes les autres données satellites qu’ils reçoivent à analyser, les navigateurs du Vendée Globe n’ont pas vraiment le temps de s’ennuyer mais c’est aussi grâce à cette masse d’informations météo qu’ils peuvent établir les meilleures stratégies de route et dépasser ainsi leurs concurrents.
Si cet article vous a mis l’eau à la bouche et que vous êtes tentés d’apprendre à exploiter ces belles et précieuses images satellites météo, sachez que nous avons finalisé un module de formation dédié à la météo satellite, c’est par ici
Nous vous souhaitons bon vent et bonne mer !