Vous aviez prévu de mouiller dans une baie ensoleillée pour le déjeuner de midi mais le temps s’avère finalement très nuageux et humide, et vous voilà même contraint d’écourter votre baignade face à l’arrivée d’un orage .…
Que vous ayez utilisé une application smartphone, un site web ou que vous ayez consulté le traditionnel bulletin marine, voire même ces trois sources à la fois, pour prendre la météo avant de sortir en mer, vous aviez confiance dans la prévision annoncée car, après tout, la météorologie est une science de plus en plus fiable.
Il arrive pourtant que les prévisions météorologiques réservent encore des surprises.
Faut-il pour autant en conclure qu’elles ne sont pas fiables ? C’est la question à laquelle nous vous proposons de répondre dans cet article !
Une amélioration continue des prévisions
Les météorologues sont unanimes : la météo est de plus en plus fiable ! A 24 heures d’échéance, la fiabilité des prévisions atteint en effet le remarquable score de 90% en moyenne.
Ce résultat s’explique par :
- les ordinateurs de plus en plus puissants utilisés pour la modélisation de l’atmosphère. Entre le premier supercalculateur acheté par Météo-France en 1992 et le dernier en 2020, la puissance de calcul a été multipliée par 10 millions !!!
- l’observation de notre planète par les satellites qui assurent une couverture mondiale, et fournissent de nombreuses données, de plus en plus détaillées
- des prévisionnistes qui améliorent constamment leurs analyses grâce à l’évaluation a posteriori de leurs prévisions
Tout ceci a permis de multiplier les paramètres météorologiques des modèles utilisés et d’améliorer la fiabilité des pronostics. Sur les trente dernières années, « on gagne un jour de prévision tous les dix ans », estime ainsi Météo France. Autrement dit, grâce aux progrès des algorithmes, la prévision réalisée aujourd’hui à 5 jours correspond à celle que l’on pouvait établir à seulement 2 jours il y a une trentaine d’années.
Aujourd’hui, lors d’un événement comme Roland-Garros, le superordinateur connaît trente minutes avant le début d’un match la pluviométrie à quelques dizaines de mètres près, suffisamment de quoi décider de couvrir ou non les cours de tennis au bon moment.
Mais il faut tout de même garder en tête que la prévision du temps obéit à une règle simple : plus l’échéance visée est lointaine, plus elle est incertaine et donc moins elle peut être détaillée …
Cette illustration représente l’évolution de la fiabilité des prévisions du modèle ECMWF à des échéances de trois, cinq, sept et 10 jours. Toutes les courbes attestent d’une amélioration durable sur les trois dernières décennies.
La fiabilité est dépendante du type de phénomène observé
Toutes les situations météorologiques ne se laissent pas prévoir avec la même fiabilité.
Assez logiquement, la prévisibilité, c’est-à-dire la possibilité de prévoir le temps sans se tromper, augmente avec la taille des phénomènes météorologiques.
Les météorologues peuvent ainsi prévoir l’arrivée d’une perturbation d’ouest sur la côte atlantique avec quelques jours d’avance. En revanche, des phénomènes de plus petite envergure et/ou plus localisés comme des orages en été, des nappes de brouillard hivernal ou des giboulées au printemps ne peuvent être prévus de façon précise que quelques heures à l’avance.
En bref, quels phénomènes peut-on prévoir et à quelle échéance ?
- Quelques heures à l’avance
Les orages, les lignes de grains, les rafales, les averses, le brouillard … à l’échelle d’une commune. La taille caractéristique de ces phénomènes est de 20 km
- 1 à 5 jours à l’avance
L’arrivée d’une tempête, dont la taille caractéristique avoisine environ les 2000 km, à l’échelle d’un département (1 jour à l’avance) ou d’une région (5 jours à l’avance)
- 5 à 15 jours à l’avance
Un type de circulation atmosphérique, une tendance de temps, une échelle de température (taille caractéristique des phénomènes : environ 7000 km). Ces données sont valables jusqu’à une quinzaine de jours, contre huit il y a vingt ans.
Il ne faut donc pas rêver, ce n’est pas demain que l’on saura sans doute possible avec 2 jours d’avance qu’un orage va frapper le mouillage de Fornell à Minorque !
Par contre, un risque orageux pour une zone sera lui toujours annoncé suffisamment tôt pour vous permettre de planifier au mieux votre croisière et ainsi de gérer ce dernier …
La multiplication des sources de données
En parallèle de l’amélioration des prévisions météo, les sources de données se multiplient et la plupart nous sont accessibles …
Dans les années 1990, il fallait attendre la diffusion de la météo marine sur France Inter ou RFI pour découvrir « grossièrement » le temps annoncé pour le lendemain. Rappelez vous également le nuage radioactif de Technobyl qui n’a jamais franchi les frontières françaises … les images satellites n’étaient pas encore disponibles en ligne à l’époque pour vérifier cette étonnante situations !!!
La démocratisation d’internet, la création de sites spécialisés depuis les années 2000 et la diffusion des différents modèles des organismes météorologiques, dont sont issus les fameux fichier GRIB, ont boosté la diffusion des données météo disponibles.
Sans oublier le développement des smartphones et la naissance des applications météo comme Windy qui, depuis quelques années, ont été téléchargées des millions de fois et servent aujourd’hui également pour un usage maritime.
Ainsi, êtes-vous vraiment sûrs de pouvoir faire confiance à celle que vous utilisez quotidiennement ? Savez vous pourquoi vous utilisez tel ou tel source ? Quelle est la plus fiable ? Ce sont des question importantes qu’ils convient de se poser, lorsque l’on se rappelle que notre sécurité, dépend de notre capacité à choisir la bonne météo …
L’intéressante complémentarité des prévisions déterministes et d’ensemble
Deux types de prévision sont disponibles actuellement.
Le premier type de prévision correspond à la prévision déterministe, qui s’appuie sur une représentation cartographique du temps qu’il fait, c’est-à-dire un état initial de l’atmosphère, établi à partir d’observations.
Le modèle calcule ensuite l’évolution des paramètres météorologiques (pression, température, vent) au fil du temps. En partant d’un état déterminé de l’atmosphère, le modèle élabore un seul scénario d’évolution de ces paramètres, d’où l’appellation de prévision « déterministe ».
C’est ce type de prévision que l’on analyse avec les fichiers GRIB.
Mais on s’est également rendu compte que ces prévisions étaient intrinsèquement sensibles aux conditions initiales. Ce qui veut dire que pour de faible écarts dans les valeurs des conditions initiales, on pouvait obtenir des prévisions franchement différentes au bout d’un laps de temps relativement court. C’est le fameux « effet papillon », rendu célèbre par la question : le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? On oublie souvent de rappeler que la question se pose pour les prévisions numériques et non pour l’atmosphère réelle …
Cette approche déterministe ne permet pas d’évaluer les incertitudes qui pèsent sur l’unique scénario de prévisions retenu, alors qu’il est essentiel, pour les utilisateurs des prévisions météo, d’avoir accès à ces informations.
Pour compléter les prévisions déterministes, on utilise donc les prévisions d’ensemble. Ce terme décrit une technique permettant d’évaluer globalement, a priori, la fiabilité de la prévision. En parallèle de la prévision établie par les modèles déterministes, on construit un ensemble de prévisions à partir d’une perturbation légère (et astucieuse !) des conditions initiales ayant servies de point de départ à la prévision.
Cette prévision d’ensemble, qui vient compléter le scénario le plus probable, permet d’en appréhender les incertitudes associées (degré de confiance, scénari alternatifs,…).
Si les prévisions établies à partir de ces modifications des conditions initiales, légèrement différentes, restent raisonnablement proches du scénario de base, on pourra penser que la fiabilité de la prévision est importante. A l’inverse, si les prévisions d’ensemble sont disparates, la fiabilité du scénario de base risque d’être mauvaise.
L’exemple ci-dessous vous montre les prévisions d’ensemble du modèle GFS pour la trajectoire de cyclones tropicaux. Dans le cas du cyclone THETA, les prévisions peuvent être regroupées, elles sont donc présumées raisonnablement fiables. Par contre, dans le cas du cyclone ETA, elles sont très divergentes donc incertaines … vous savez alors seulement que vous ne savez rien !!!
La force d’une comparaison multi-modèles
Au delà d’étudier conjointement les prévisions déterministe et d’ensemble, comparer différents modèles de prévision météo facilite également la prise de décisions en permettant de confirmer une tendance ou encore d’évaluer une incertitude.
Car comparer différentes sources permet de mettre en lumière une divergence possible des scenarii de base.
Par exemple, si tous les modèles se rejoignent et prévoient de la pluie à une même échéance alors il y a de grandes chances pour qu’il pleuve réellement. La comparaison multi-modèles permet d’estimer le degré de fiabilité d’une prévision car plus les modèles seront convergents, plus la prévision sera présumée fiable.
Windy permet, par exemple, de comparer tous les modèles déterministes disponibles sur une zone, de manière graphique très ergonomique et compréhensible, pour comparer les prévisions de vent (moyen, rafale et direction) notamment.
L’influence des effets du relief sur une prévision
La mer Méditerranée a la réputation d’être une mer changeante, imprévisible, violente, brutale. Mais pour quelles raison les prévisions météo y seraient-elles plus difficiles à établir et donc moins fiables ?
Le bassin méditerranéen est entouré de chaînes de montagne et présente des contrastes thermiques importants et ont donc une forte influence sur le vent. Les principales îles sont également très montagneuses (Monte Cinto / 2706 m en Corse, Etna / 3350 m en Sicile, Punta La Marmora / 1834 m en Sardaigne …).
C’est cette topographie particulière qui explique qu’en Méditerranée, une tendance météo peut être fortement modifiée par les seuls effets du relief et qui rend les prévisions beaucoup plus difficiles à établir localement. Ainsi par exemple, pour une même circulation générale, la Tramontane peut souffler fort dans le Golfe du Lion alors que le Mistral sera au repos 200 km plus loin, ou inversement.
En Atlantique, les grands systèmes, dépressions, anticyclones sont facilement localisables et analysables mais lorsque ces phénomènes arrivent en Méditerranée, ils peuvent conduire soit à un renforcement avec un effet de canalisation ou de barrière, soit au contraire à un dévent.
Un seul petit écart de direction du vent (de l’ordre d’une dizaine de degrés) peut donc conduire à des situations très différentes et c’est ce qui explique qu’en Méditerranée, les prévisions météo sont plus délicates à établir et que leur fiabilité à long terme est souvent moindre que sur la cote atlantique.
Pour obtenir une bonne prévision en Méditerranée, il est nécessaire d’utiliser les modèles à maille fine, qui permettent de visualiser les effets de site à l’échelle de la dizaine de kilomètres, voire moins, et ne pas compter sur une échéance trop lointaine.
exemple d’une prévision de 5 modèles différents pour le golf du Lion
Mais rassurez-vous, même avec les modèles à maille fine, et une échéance à 2 jours, vous disposez d’une météo fiable suffisante pour couvrir vos navigations, compte tenu de la taille du bassin, qu’il conviendra toutefois d’actualiser régulièrement compte tenu du risque toujours existant d’une évolution rapide du temps. Certains pourront le regretter mais avec les prévisions désormais à notre disposition, il n’y a plus aucune raison de se laisser surprendre par les caprices de la météo en Méditerranée !
Pour résumé, notre propre expérience confirme bien les propos des météorologues : la météo est remarquablement fiable à court terme, même en Méditerranée, hors situation exceptionnelle bien entendu.
Au-delà de 5 jours, mieux vaut toutefois appréhender une prévision météo comme une simple tendance, même si cette dernière présente toujours l’intérêt de nous donner une idée assez précise du type de temps qu’il va faire (anticyclonique, perturbé…)
Et face à la masse des prévisions météo disponibles, n’oublions jamais que selon les sources météorologiques utilisées et nos propres capacités d’analyse, l’appréciation de la fiabilité d’une prévision peut aussi varier d’un individu à l’autre … une chose est donc sûre, la météo n’a pas fini de faire parler d’elle sur les pontons !
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