Notre voyage vient juste de commencer.
Après des mois à en parler, à en rêver et à se préparer, nous y sommes enfin !
Nous avons quitté notre port d’attache du Cap d’Agde de bonne heure ce matin, en catimini, sans comité de départ et c’est bien ainsi.
Pas d’autre émotion à gérer que cette allégresse qui nous étreint à l’idée de découvrir le monde, notre fierté à oser bousculer le schéma de vie auquel nous étions destinés, cette liberté que nous ressentons face à l’immensité de cette année sabbatique qui s’offre à nous.
Les premières heures sont grisantes. Nous profitons d’une courte fenêtre météo entre 2 coups de tramontane pour prendre du sud et notre traversée du golfe du lion est épatante: ensoleillée, confortable et rapide, en un seul mot magique !
Nous passons au large du Cap Béar, puis du Cap Creux, et admirons dans la chaude lumière de cette fin septembre les Pyrénées se rafraîchir les orteils dans la Méditerranée.
Lorsque la nuit tombe, nous sommes déjà au large de Palamos mais c’est alors qu’un orage puissant nous rattrape. Notre calme début de croisière cède la place à un déchaînement d’éclairs et de coups de tonnerre. Ca claque, ça roule, ça crépite, ça gronde, ça explose sans fin et sans répit tout autour de nous !
Seuls en mer à portée de vue et avec notre mât si fièrement dressé au-dessus de notre tête, nous sommes une cible parfaite, une échappatoire plus que séduisante pour ce débordement d’électricité atmosphérique. Bertrand installe sans délai une chaîne autour du mât qu’il laisse pendre dans l’eau, au cas où nous tomberions malgré notre vigilance dans les rets tendus par cette foudre en furie et nous décidons également de prendre la cape quelques heures, le temps de laisser ce fracas s’éloigner vers d’autres contrées.
A l’aube, Wiliwaw commence à rouler sur une ondulation légère en provenance du nord, signe que la tramontane s’approche comme prévu. Il est grand temps de repartir.
Nous reprenons notre cap vers Majorque, seulement habillés d’un petit triangle de voile d’avant. Poussé par le vent qui se renforce d’heure en heure, Williwaw trace sa route vers cette première escale que nous nous sommes choisis et qui nous mettra à l’abri.
En manque de sommeil, nous somnolons autant que nous veillons. Nous avons confié la barre à notre pilote et pendant que Williwaw danse en rythme avec la houle et surfe parfois sur les plus grosses vagues, nous rêvons de notre arrivée à Puerto Soler.
Nous arrivons à bon port en toute fin de journée et éreintés par cette première traversée, nous allons nous coucher sans délai. Nos couchettes présentent alors plus d’attrait que cette île pourtant bienvenue sur notre trajet.
Notre découverte des lieux le lendemain restera à jamais gravée dans nos mémoires.
Nous avons mouillé dans une baie toute ronde parfaitement protégée des assauts du large.
La mer est immobile, et nous renvoie le reflet des sommets environnants.
Nous sommes seulement 4 voiliers au mouillage, suffisamment éloignés les uns des autres pour nous sentir seuls au monde.
Les douces odeurs d’agrume et de résineux mêlés de cette terre méditerranéenne nous parviennent en délicates effluves.
Dans la fraîcheur humide du petit matin, debout dans le cockpit, une tasse de thé fumant entre les mains, je bois à pleines gorgées la nouveauté du paysage et le silence étourdissant de cette bourgade endormie.
Je suis totalement sous le charme de cette première escale, la plénitude m’envahit, la magie du voyage commence à opérer …
Brève de mer #4