Fichiers GRIB : quelle confiance accorder aux mailles fines en navigation côtière ?

maille-fichier-gribCes dernières années, avec l’avènement d’internet et des nombreux outils numériques d’analyse, d’interprétation et de visualisation, l’usage des GRIB s’est démocratisé dans la communauté des navigateurs. Tous ceux qui pratiquent la voile en ont, a minima, déjà entendu parlé, une grande majorité a pris l’habitude de les utiliser mais malheureusement, nombreux sont encore ceux qui ne maîtrisent pas totalement le choix du bon GRIB pleinement adapté à l’usage auquel il est destiné.

Il faut dire que les écueils sont nombreux ! Il n’est en effet pas vraiment simple de faire le tri dans les différents types de GRIB existants ni d’apprécier leur fiabilité et leurs limites, sans parler des divers modèles utilisés, tels AROME, ICON ou GFS …

La MAILLE, le personnage central de toute cette histoire !

Pour s’y retrouver, l’un des paramètres fondamental à prendre en considération est la taille de la maille utilisée. Si la taille de maille d’un fichier GRIB reste un sujet nébuleux pour vous, nous vous invitons à lire (ou relire) notre article « Prévoir sa météo : quel fichier GRIB gratuit utiliser ? » au sein duquel cette notion est détaillée.

La taille de la maille d’un fichier GRIB conditionne en effet tout à la fois la finesse des hypothèses de modélisation, tel que le niveau de détail du relief terrestre, et la zone couverte car plus la maille est petite, plus les capacités de calcul nécessaires sont importantes.

Mais s’il est possible de retenir que plus la maille sera fine, meilleure sera la prévision, cela ne signifie pas pour autant que cette dernière sera totalement fiable … casse tête quand tu nous tiens !

Pour tenter de comprendre l’impact de la taille de la maille d’un fichier GRIB sur une prévision météo, nous avons choisi de comparer 2 modèles de GRIB avec d’une part, comme représentant des GRIB à maille large, le modèle classique GFS (maille de 28 km) et d’autre part, pour les GRIB à maille fine, le modèle AROME (maille de 1,3 km) qui est le modèle le plus fin existant pour la France.

Les cartes ci-dessous représentent les prévisions du vent moyen pour chacun de ces 2 modèles, à une heure donnée et à l’échelle de la zone couverte par le modèle AROME :

GFS – maille 28 km

Arome HD – maille 1,3 km

Situation à 17h UTC

Dès le premier regard, il apparaît que ces deux prévisions sont assez similaires. Les principales différences s’observent principalement en Méditerranée, à proximité des îles (Majorque, Corse, Sardaigne), mais ces dernières ne sont pas significatives.

Mais il convient aussi de noter que cette situation à 17h UTC est proche de la date d’établissement de la prévision pour les 2 modèles, ce qui explique probablement leurs similitudes.

Comparaison d’une prévision GRIB maille large vs maille fine à l’échelle du Roussillon

Sur les cartes ci-dessus, le flux de secteur SE visible du côté de la frontière espagnole et du Roussillon, semble à l’échelle de la France relativement comparable.

Mais cela vaut le coup d’aller voir tout cela d’un peu plus près

Pour ceux qui ne connaissent pas cette région frontalière entre la France et l’Espagne, le Cap de Creus est un très grand cap s’avançant à plus de 15 km en mer et présentant par ailleurs un relief assez élevé (altitude comprise entre 350 et 500m avec un sommet à 600m), souvent appelé le « Cap Horn » des catalans.

La vue ci-dessous permet de se faire une idée plus précise du relief de cette zone :

topographie-cap-bear

En comparant les prévisions des 2 modèles à 10 miles au large du Cap de Creus, la différence de force du vent annoncée est minime, avec 12,5 N pour le modèle GFS contre 14,5 N pour Arome.

GFS – maille 28 km

Arome HD – maille 1.3 km

Situation à 17h UTC

Par contre, lorsque l’on se rapproche du Cap de Creus, on observe que le modèle Arome annonce un vent plus léger, tant sur la côte sud / sud est exposée au vent par effet de coussin sur une distance d’environ 1 Nm qu’au nord du Cap de Creus où un dévent se crée sous le vent, en particulier dans la baie de Puerto de la Selva.

Au niveau du cap même, le modèle Arome prévoit également un léger renforcement du vent par effet de pointe, ce qui est tout a fait pertinent au regard de la topographie du Cap de Creus.

Et ces différents effets seront par ailleurs sans doute encore amplifiés sur le terrain compte tenu de la topographie « tourmentée » du Cap de Creus.

Le GRIB à maille fine semble donc bien prendre en compte les effets locaux du relief autour du Cap Creus, contrairement au GRIB à maille large qui détecte absolument rien de tout cela.

Mais que se passe t-il lorsque l’on descend encore d’un cran dans le niveau de détail ?

Comparaison d’une prévision GRIB maille large vs maille fine à l’échelle du Cap Béar

Regardons désormais un peu plus au nord, du côté du Cap Béar.

Le Cap Béar est beaucoup plus petit en dimension que le Cap Creus mais il constitue néanmoins un cap important à franchir pour les voiliers compte tenu de son relief également relativement élevé, (falaises et sommet avoisinant les 200m).

Le Cap Béar accueille un sémaphore, ce qui permet de connaître l’historique du vent à cet endroit réputé en France pour ses records de Tramontane !

topographie-cap-bear

Les 2 modèles de GRIB annoncent l’un comme l’autre un renforcement local au niveau du Cap Béar, mais de seulement 14,6 N pour GFS contre 21,5 N pour Arome.

Alors, qu’en est-il réellement ?

Les enregistrements du vent réalisés par le sémaphore correspondent à un vent moyen de 59 km/h à l’heure des simulations GRIB, soit environ 32 N.

enregistrement-vent-semaphore-cap-bear

Pour résumé, on dispose donc de 3 conditions de vent différentes au Cap Béar à 17h :

GRIB GFS

GRIB Arome

Relevés Sémaphore

15 N soit 4 Beaufort

22 N soit 6 Beaufort

32 N soit 7 Beaufort

 

+47 %

+113 %

 Or, vous en conviendrez, ce n’est pas tout à fait la même chose que de naviguer avec 4B, 6B ou 7B !!! Cette comparaison explique pourquoi autant de plaisanciers se font régulièrement surprendre à proximité du Cap Béar …

Comparaison des échelles de mailles utilisées par chacun des modèles

Prenons maintenant le temps de regarder la côte d’un peu plus près à travers la maille de chacun des 2 modèles.

L’image ci-dessous présente la taille de la maille du modèle GFS. On peut voir, en bas à droite, la péninsule que constitue le Cap de Creus … Alors que ce dernier est loin d’être petit, il semble perdu au milieu d’une seule maille de ce modèle dit « à maille large ».

maille-grib-gfs-cap-creux

De même, en zoomant sur le Cap Béar, et en superposant au fond de carte Google Earth les mailles du modèle AROME 1,3 km, on s’aperçoit également que ce dernier semble perdu au milieu d’une seule de ces mailles.

Nous vous laissons donc imaginer ce que vous pourriez observer avec un modèle à maille fine de l’ordre de 4 ou 5 kms, plus accessible que la maille 1,3 km du modèle Arôme qui ne donne accès qu’à un fichier horaire très volumineux pour l’ensemble de la zone et donc difficile exploitable.

maille-modele-arome-cap-bear

Un fichier GRIB ne pourra donc rendre compte correctement des effets locaux que pour des « accidents de relief » d’une taille significative au regard de la taille de maille utilisée.

Voici un ordre de grandeur facile à retenir :

Un modèle de GRIB utilisant une maille de X ne permettra de repérer que des phénomènes météorologiques d’une taille de 7* X, ce qui signifie :

  • pour le modèle GFS à maille de 28 km : ne seront visibles que les phénomènes météo d’environ 200 km
  • pour le modèle Arome à maille de 1,3 km : ne seront visibles que les phénomènes météo d’environ 9 km

En conclusion, même le modèle de GRIB présentant la maille la plus fine ne pourra rendre compte des conditions réelles observées sur un trait de côte très « tourmenté ».

Ne vous laissez donc jamais griser par la seule finesse d’un modèle de fichier GRIB, car en ramenant cette dernière l’échelle d’une navigation côtière, vous constaterez rapidement que ses prévisions peuvent rester grossières au regard de la topographie réelle de la côte le long de laquelle vous naviguez.

Nous espérons que cet article aura réussi à vous convaincre que les fichiers GRIB à maille large ne sont pas adaptés aux navigations côtières et que leur utilisation peut même être dangereuse au regard de leur mauvaise prise en compte des phénomènes locaux, mais ils restent toutefois nécessaires pour suivre l’évolution de la météo à moyenne échéance et à une échelle macro.

Les fichiers GRIB à maille fine restent par contre un outil intéressant pour vos navigations côtières, même s’il faut garder à l’esprit qu’ils ne doivent pas non plus être pris pour argent comptant !

Car si vous naviguez dans une zone présentant un relief et une géographie marqués, même le GRIB le plus fin restera insuffisamment précis à proximité du littoral.

Il vous appartiendra donc toujours d’analyser votre bassin de navigation pour décrypter votre plan d’eau, anticiper les conditions que vous rencontrerez et naviguer ainsi en toute sécurité.

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Nous vous souhaitons bon vent et bonne mer !

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4 comments

  1. Baudouin - Répondre

    Article très intéressant et accessible, comme dab ! … 👍

    • Hélène & Bertrand - Répondre

      Merci Baudouin, nous sommes ravis si ce nouvel article vous a éclairé sur cette question centrale des mailles des fichiers GRIB !

  2. Robert Curbet - Répondre

    J’ai un problème avec ce que vous écrivez. Je pense que globalement nous sommes d’accord, et c’est sans doute un problème de formulation.
    Premier point de “désaccord”: “les fichiers GRIB à maille large ne sont absolument pas adaptés aux navigations côtières et que leur utilisation peut même être dangereuse”
    cette phrase est dangereuse pour les non expérimentés: elle va inciter la plupart des plaisanciers qui ne font que des navigations côtières à ne pas se préoccuper des prévision à maille large, imprécis sur un point, mais à délais longs. Car une prévision météo n’est pas seulement constituée des vents, mais aussi des pressions, des possibilités d’orage (Cape, Cin, Réflectivité), températures, couverture, etc.
    bien sur que le modèle GFS est un modèle global, qui ne tient pas compte du relief local, (sauf par les historiques qu’il manipule). Mais télécharger un modèle GFS est pour moi quotidien, car il me permet de voir la tendance de la météo sur plusieurs jours, même en Méditerranée (réputée changeante). Un anticyclone vers l’Espagne, un front froid du Nord ouest vont m’alerter sur la possibilité d’une tramontane, et me décider à entreprendre ou non une navigation côtière les jours suivants. Un exemple: en Septembre 2018 en Mer ionienne, j’ai repéré par les GFS une dépression “medicane” partant de Lybie. je l’ai suivi quotidiennement, elle afait le tour de la Mer ionienne et continuer vers la mer gée où elle a fait de gros dégats. Si je ne l’avais pas vu, je me serai engagé dans une navigation côtière pour passer le Péloponèse et je me serai vraiment trouvé très mal
    Deuxième point: “si vous naviguez dans une zone présentant un relief et une géographie marqués, même le GRIB le plus fin restera insuffisamment précis à proximité du littoral”
    Celà fait 15 ans que je navigue 6 mois par an en Méditerranée occidentale et orientale. j’ai utilisé dès leur gratuité, les modèles Arpège, Icon, et WRF de Open Skyron. Je peux attester, et un ami plaisancier avec moi, que les prévisions de ces modèles sont à 90% conformes à la réalité. Il y a des écarts, sans doute, mais de ce que j’ai vécu seulement sur l’heure, ou de quelques nds. Je suis d’accord avec vous quand vous dîtes qu’il ne faut pas se fier aux prévisions météo, mais je trouve que vous êtes un peu trop négatif.
    Troisième point: “Un modèle de GRIB utilisant une maille de X ne pourra permettre de repérer que des phénomènes météorologiques d’une taille de 7* X”
    Cette formulation, pour être imagée et simplificatrice, est à la limite de l’erreur. Les modèles météo constitués d’équations différentielles, ne voient rien. La grosse différence c’est que les équations des modèles globaux à maille large comme GFS ou ECWMF (modèles atmosphériques hydrostatiques) font l’hypothèse que l’accélération verticale est faible comparée à d’autres termes, tandis que les équations des modèle ICON, Arpège, arome, WRF,, modèle non-hydrostatiques prennent en compte cette dynamique verticale, et donc voient non pas les reliefs, mais la cinématique des différences de potentialité à des altitudes plus resserése
    J’ai tout à fait conscience que l’explication est complexe (et la mienne aussi à la limite de la fausseté), mais la vôtre est vraiment légère, si vous ne citez pas les deux qualificatifs des modèles, atmosphérique et non-hydrostatique.
    Ne voyez pas de polémique dans ce commentaire. Je suis persuadé que nous avons la même attitude par rapport aux prévisions météo.
    Cordialement

    • Hélène & Bertrand - Répondre

      Merci Robert pour ce commentaire détaillé et précis. Nous avons cherché à travers cet article à mettre en avant l’intérêt mais aussi les limites des GRIB à maille fine en navigation côtière et effectivement, un travail de pédagogie peut parfois conduire à quelques simplifications.
      Les GRIB en particulier et la météo en général sont des sujets complexes et il est difficile de tout expliquer en un seul article. Le message que nous avons simplement voulu passer ici est qu’il ne faut pas faire confiance aveuglément aux GRIB à maille fine au risque de se faire surprendre par des phénomènes locaux. Chaque type de GRIB présente un intérêt et comme vous le soulignez, il est effectivement nécessaire de croiser leurs prévisions pour anticiper au mieux les conditions météo. Nous avons donc apporté cette précision dans notre article. Merci pour votre contribution.

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