Réaliser soi-même un lazy-jack “up to date” !

 

Cet article s’inscrit dans notre défi “25 savoirs- faire & astuces en 25 semaines”.

Pour retrouver l’ensemble des sujets d’ores et déjà traités,

rendez-vous sur la page de présentation de ce défi.

 lazy-jack

C’est bien connu, le jargon nautique est un monde en soit, un univers réservé aux initiés, un langage certes d’une grande richesse et d’une précision étonnante, mais avant tout souvent très abscons au premier abord pour les néophytes ! Et quand ce vocabulaire déjà très spécifique s’utilise de plus communément en anglais, difficile de se faire comprendre du plus grand nombre …

Du coup, avant de rentrer dans des considérations techniques, prenons le temps de définir le plus clairement possible l’objet de ce nouveau défi, le lazy-jack. De quoi s’agit il exactement ?

A quoi sert un lazy-jack ?

Un lazy-jack est un dispositif qui permet de contenir et de contrôler la grand-voile lors de la prise d’un ris ou de son affalage. Il est constitué d’un filin monté en pattes-d’oie successives entre la mâture et la bôme et il permet de maintenir la voile sur la bôme, d’éviter qu’elle ne glisse d’un bord ou de l’autre lorsqu’elle n’est pas en hissée, et de la ferler proprement.

Un lazy-jack est donc un équipement très utile sur un voilier mais qui n’a toutefois pas pour vocation de maintenir la bôme en position horizontale et ne peut donc remplacer une balancine.

Le lazy-jack est un système qui se rencontrait déjà sur les vieux gréements, sur lesquels il permettait d’étouffer facilement les énormes surfaces des grand-voiles auriques et de contenir les mouvements des cornes volages …

Sur les unités de plus de 40 pieds, le lazy-jack est souvent associé à un lazy-bag qui offre un rangement facilité de la grand-voile, notamment si cette dernière est semi-lattée ou entièrement lattée (également appelée “full batten”).

Au delà de cet usage de “sac de rangement”, il protège également votre voile des intempéries et facilite, en complément du système de guidage que constitue de lazy-jack, l’affalage de la voile.

lazy-jack imocaLe lazy-jack permet ainsi une utilisation rapide et aisée de votre grand-voile en toute circonstance, ce qui a notamment son intérêt en équipage réduit. La preuve en est avec les imocas menés en solitaire, dont les voiles raides et lourdes ne peuvent être ferlées par une seule (et même plusieurs !) personne, tous équipés depuis un certain nombre d’années de ce dispositif !

Nous nous souvenons encore du gréage de notre grand-voile de 58 m², sans lazy bag & lazy jack installés, et avec seulement un tout petit peu de vent … Vous n’imaginez pas la débauche d’énergie qu’il nous a fallu déployer pour seulement la ferler et la maintenir sur notre bôme !

Nous avons d’ailleurs fini par la saucissonner comme nous le pouvions avec un cordage … en attendant des jours meilleurs ! Cette taille de grand-voile n’est déjà plus, du moins à notre avis, à taille humaine et nécessite sans doute possible l’utile duo lazy-bag & lazy-jack en croisière.

Avantages mais aussi inconvénients d’un lazy-jack

Les avantages d’un lazy-jack sont nombreux, nous en avons déjà évoqué certains :

  • bon guidage de la voile lors d’une prise de ris ou lors de son affalage
  • affalage de la grand-voile possible au dernier moment, sans avoir besoin de tout ferler avant l’amarrage, la prise d’un coffre ou une manœuvre de mouillage
  • affalage facilité en équipage réduit, voire en solitaire
  • sécurité renforcée de l’équipage par la réduction notable du risque de passer par dessus bord avec une voile battant dans la brise.

Mais pour être totalement complet, n’oublions pas non plus qu’un lazy-jack peut présenter également quelques inconvénients :

  • risque de blocage des lattes de votre grand-voile dans les pattes d’oie du lazy jack, augmentant parfois notablement la manoeuvre de hissage
  • ragage de la grand-voile contre les cordage du lazy-jack et claquements sonores lorsque la voile bat dans le vent
  • incompatibilité possible entre un lazy-jack avec les housses de grand-voile classiques

Le problème le plus fréquemment rencontré est celui de la latte qui se coince dans les filins lors du hissage de la voile. Cela nécessite d’être particulièrement vigilant et de contrôler visuellement votre grand-voile le temps de passer les quelques points délicats pour que cela n’arrive pas mais avec un peu d’attention, il est tout à fait possible de gérer parfaitement la situation et dans la pratique, cette question ne nous semble pas être réellement un inconvénient.

Nous avons pris l’habitude défaire notre manœuvre à deux. Hélène, qui est en général à la barre, maintient Saba face au vent et fait signe quand la voile peut être hissée, c’est à dire quand la GV est bien axée et dégagée des lazy-jack. Le problème ne se pose qu’à un certain niveau, environ au premier tiers de notre grand-voile. Une fois passé ce point dur, il n’y a plus aucun risque que les lattes se prennent dans notre lazy-jack..

Le phénomène de ragage de la voile peut également être fortement limité, d’une part en utilisant un matériau peu agressif pour confectionner son lazy jack et d’autre part, en veillant à régler ce dernier relativement lâche lorsque la grand-voile est haute.

Il est également possible d’installer un lazy-jack rétractable, qui n’est installé à poste que lorsque cela s’avère nécessaire. Concrètement, un brin de rétraction rappelle la drisse contre le mât et les pattes d’oie le long de la bôme. L’obtention d’un résultat « propre » et instantané nécessite une géométrie du lazy-jack particulière, pour permettre aux branches des pattes d’oie de se plaquer contre la bôme sans s’emmêler et sans présenter de bouts pendants. Lorsque la voile est correctement ferlée et les rabans serrés, on peut rétracter le lazy-jack, ce qui permet également au besoin d’utiliser une housse de grand-voile traditionnelle.

Concevoir et installer soi-même son lazy-jack

S’il existe des kits “lazy-jack” prêts à monter (Plastimo, Harken, Barton, Pfeiffer), ils apparaissent souvent bien onéreux et trop sophistiqués (constitués de poulies, de câbles acier, …) et nous vous conseillons plutôt de fabriquer vous-même votre lazy-jack, à partir d’une tresse (polyester ou dyneema) et d’un travail de matelotage relativement simple, accessible à tous.

Sur Saba, il nous a semblé préférable de réaliser un montage léger, discret et simple, composé de points fixes sur la bôme et complété d’un bout de réglage renvoyé par une poulie en pied de mât.
Nous avons donc choisi d’utiliser une tresse de dyneema de 3 mm épissée et des anneau de friction d’un diamètre intérieur de 8mm. Les accroches du lazy-jack sur le mât ont été réalisées avec des padeyes composites.

schema 3

Voici donc un tuto détaillé pour vous permettre de vous lancer sans hésitation dans ce DIY :

  • Positionner les padeyes d’accroche du lazy-jack au niveau du mât

Un padeye doit être fixé sur la ligne médiane de chaque côté du mât pour permettre le renvoi du cordage du lazy-jack en pied de mât. Pour déterminer la bonne position de ces deux padeyes (ou de pontets en inox rivetés), il faut déterminer la longueur de votre guindant (mesure P sur votre plan de voile).

Le padeye / pontet doit être positionné à approximativement 65% de cette mesure, à partir de la bôme (valeur X sur le schéma). Avec la bôme en position de navigation standard, mesurez X à partir du point d’amure de la GV et marquez les deux côtés du mât.

schema 2

Pour un mât équipé de 2 étages de barres de flèche, X correspond approximativement à la hauteur de la deuxième barre de flèche. Il est préférable de se caler juste en dessous de cette dernière pour éviter tout ragage ou coincement du cordage au niveau de la base de la barre de flèche.

lazy-jack padeye mâtChaque padeye sera équipé d’une poulie simple de renvoi, pour permettre le réglage du lazy-jack de façon aisée en pied de mât.

Sur Saba, nous avons fixé les poulies sur le mât avec des padeyes collés directement sur ce dernier. Cela nous a permis d’éviter de percer le mât et donc de prendre le risque de laisser s’installer une corrosion entre les différents matériaux en présence (inox / alu / carbone).

Si le collage peut paraître à première vue plus adapté sur un mât carbone, l’adhérence de l’époxy sur l’alu est également excellente, il n’y a donc pas de raison de se passer de ce type d’installation extrêmement simple en terme de mise en œuvre.

Toutefois, quelque soit le matériau constitutif de votre mât, une bonne préparation de la surface à encoller (ponçage, nettoyage & dégraissage à l’acétone) est nécessaire afin de garantir une bonne adhésion et une durée de vie maximale de votre installation.

Pour notre bôme de 6 mètres de long et notre GV de 58 m², nous avons collé un padeye d’un diamètre de 50mm qui n’a, à ce jour, toujours pas bougé malgré la tension qu’il supporte pour permettre la bonne tenue de notre voile lorsque qu’elle est ferlée.

Certains installent le point haut de leur système directement sous la barre de flèche, ce qui permet d’écarter un peu le lazy-jack. Dans la mesure où l’effort maximum supporté par une barre de flèche se situe au niveau de sa base et que cette zone reste un point relativement fragile (liaison avec le mât, jeu, fatigue, corrosion …), prenez quelques précautions si vous décidez de réaliser ce type de fixation afin de ne pas affaiblir la section de la barre de flèche et d’éviter toute corrosion. Une nouvelle fois, un padeye collée permet de réduire considérablement le nombre de contraintes pour une efficacité remarquable.

  • Positionner les fixations de bôme

Déterminez la longueur de la bordure (mesure E sur votre plan de voile) et positionnez les 2 padeyes arrières à approximativement 80% de cette mesure en partant du mât.

Il suffira ensuite de segmenter équitablement cette longueur mesurée en fonction du nombre de points d’accroche souhaités.

La plupart du temps, on rencontre les configurations suivantes, directement dépendantes de la taille de votre voilier :

Taille du bateau Jusqu’à 8m Jusqu’à 11m Jusqu’à 15m
Nombre de points d’accroche sur la bôme 2 points 3 points 4 points

 Si vous disposez d’un lazy-bag, les points d’accroche de votre lazy-jack y seront intégrés (généralement via un anneau en sangle) et vous n’aurez donc rien à faire à ce niveau.

Sans lazy-bag, votre accroche pourra se faire classiquement à l’aide d’un pontet inox riveté ou bien d’une accroche textile, collée ou traversant la bôme avec alors un filoir passe-cloison afin d’éviter le ragage au niveau du contact avec l’alu.

  • Mettre en place les lignes du lazy-jack

Au niveau des pantoires, si des systèmes simple à œil épissé peuvent convenir sur les petits voiliers, mieux vaut adopter un anneau de friction pour limiter le ragage et faciliter les réglages sur une unité de plus grande taille.

lazy-jack oeil épissélazy-jack anneau de friction

L’anneau de friction sera montée sur l’une des extrémités de la tresse à l’aide d’une épissure (complétée de son point de couture pour ne pas qu’elle glisse et libère l’anneau en l’absence de charge) et l’accroche fixe sera également réalisée avec ce type matelotage très fiable.

lazy-jack épissure sur bagNous n’avons pas réalisé de point de couture sur nos épissures côté lazy-bag, ce qui nous permet de les démonter plus facilement lorsque nous avons une intervention à réaliser sur notre bag. A ce jour, nous n’avons observé aucun début de glissement des épissures, il appartient donc à chacun d’apprécier ce point en fonction de ses besoins.

Lazy-jack boucle avec poulie simpleLa ligne située la plus en hauteur est continue entre les 2 côtés du lazy-jack. Elle passe donc par les 2 poulies collées sur le mât et possède un anneau de friction à chacune de ses extrémités. La boucle qui passe derrière le mât est équipée d’une poulie simple raccordée à un cordage de réglage qui vient se coincer sur un taquet en pied de mât.

Il suffit ensuite d’équiper les autres lignes d’un anneau de friction d’un côté et d’une épissure au niveau du point d’accroche sur la bôme, et de les installer progressivement les unes après les autres en partant du mât et en progressant vers l’extrémité arrière de la bôme.

Quel coût de revient pour un lazy-jack maison ?

Le coût de revient de notre lazy-jack (pour une bôme de 6 mètres et une GV de 58 m²) se décompose comme suit:

Matériel nécessaire Prix total
Cordage Dyneema pur 3mm / lg = 70 ml 70 €
6 anneaux de friction diamètre intérieur 8mm 52 €
3 poulies simples 30 €
1 taquet de tournage plastique en pied de mât 2 €
Cordage polyester de réglage 6 mm / lg = 6ml 6 €
TOTAL 160 €

Ce coût de revient s’entend hors coût des padeyes textile qui ont toutefois été simplement réalisés avec des chutes de stratifié et de dyneema.

Il est possible d’alléger encore cette facture en utilisant une tresse en polyester à la place du dyneema.

A titre de comparaison, les kits “prêts à l’emploi” proposés par les accastilleurs pour un voilier d’environ 10,50m (lazy-jack 3 brins) coûtent entre 300 et 450 €.

A vous de faire votre choix !

 

Nous vous souhaitons bon vent et bonne mer.

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2 comments

  1. Robert - Répondre

    Merci pour cet article bien détaillé. J utilise les lazy Jack et lazy bag depuis longtemps et très satisfait du concept. En solitaire, j utilise un écarteur de lazy Jack réalisé dans une chute de goulotte électricien aux extrémités de laquelle j ai fait deux encoches. Cet écarteur est relié par une garcette à la base du lazy Jack. Quand la voile monte elle éjecte automatiquement l écarteur qui retombe dans le lazy bag…ou à côté. Il suffit alors de monter sur le roof pour le ranger. Je tiens a votre disposition une photo du système.

    • Hélène & Bertrand - Répondre

      Merci pour votre partage d’expérience. On est très intéressé par votre système d’écarteur et donc preneurs d’une photo, comme vous le proposez !

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