Nous sommes mouillés dans la baie de Chaguaramas.
Notre arrivée à Trinidad le long des îlots de Las Bocas a été dépaysante, entre les nombreuses stations pétrolières qui en parsèment l’accès, les cris saisissants des signes hurleurs et les envolées massives de perroquets.
Nous sommes, en ce point de notre périple, au plus proche du continent sud-américain et l’ambiance est bien différente, démonstrative et volubile, de celle que nous avons connu jusqu’alors dans l’arc des petites Antilles, plus pudibondes.
Nous sommes descendus jusqu’ici pour nous équiper de panneaux solaires et améliorer ainsi l’autonomie énergétique de Williwaw, jusqu’alors trop limitée pour conjuguer pilote automatique et réfrigération en navigation. Mais autant joindre l’utile à l’agréable alors nous profitons de l’escale pour faire un bel approvisionnement, tout en contraste entre les étalages colorés et improvisés des ruelles de la ville et les immenses malls de la périphérie.
Nous n’oublions pas de visiter au passage le zoo réputé de Port of Spain, qui nous permet d’approcher la faune locale si étonnante et fascinante comme le discret ocelot ou le préhistorique tatou. Et c’est ainsi que l’occasion nous est donnée d’apercevoir nos premiers Corocoro rojo emblématiques de l’Ile de la Trinité, ambassadeurs de cette lignée de toute beauté.
Cette courte entrevue est insuffisante, il nous faut aller à leur rencontre et prendre le temps de les observer au milieu des palétuviers.
Nous collectons sans délai quelques avis sur la façon de procéder et c’est parti, direction le marais de Caroni !
Une ligne régulière de bus nous dépose à l’entrée de la réserve. Nos yeux cherchent en vain quelques panneaux confirmant notre arrivée à destination mais nous ne voyons rien, hormis ces quelques autres pèlerins sur le chemin. Nous leur emboîtons le pas et quelques mètres plus loin, nous sommes invités à prendre place à bord d’une barque à ras de l’eau, qui s’engage dans la mangrove et son lacis de canaux.
Nous glissons sur l’eau sans un bruit. Nous ne savons pas réellement à quoi nous attendre alors nous sommes attentifs à l’extrême, scrutant la végétation pour apercevoir ceux là-mêmes que nous sommes venus chercher. Mais rien n’y fait, nous n’avons devant nos yeux que les racines entrelacées de cette étonnante forêt embrumée.
Le paysage s’éclaircit petit à petit, nous émergeons de notre tunnel de verdure et c’est alors que nous les découvrons, flamboyants sur un ciel d’azur.
Les uns après les autres, solitaires ou en ordre serré, les ibis rouges rentrent de leur journée et viennent nicher dans les palétuviers.
Leur plumage rubicond tranche sur le vert de la végétation, leurs arabesques et virevoltes nous font tourner la tête, et dans les flammèches du soleil couchant, leurs silhouettes élégantes et chatoyantes resplendissent et nous éblouissent longuement.
Brève de mer #8