La Route du Rhum – destination Guadeloupe est l’événement voile de cette fin d’année 2018.
Outre son caractère sportif et maritime, cette course au large compte en effet aujourd’hui parmi les manifestations les plus populaires. Elle souffle sur nous tous, simple amateur ou navigateur averti, un grand vent de liberté et d’évasion. Son itinéraire mythique alimente quelques jours durant nos rêves de soleil et de plage de sable chaud, en ce début novembre souvent froid et humide.
En 2018, la route du Rhum fête ses 40 ans déjà. Et ce ne sont pas moins de 124 solitaires qui ont décidé de fêter dignement cet anniversaire en s’élançant de Saint Malo, l’étrave pointée vers Point à Pitre où les plus rapides d’entre eux arriveront à peine plus d’une semaine plus tard.
Mais la Route du Rhum n’est pas la seule course au large plébiscitée par le grand public.
le Vendée Globe, le Trophée Jules Verne, la Transat Jacques Vabre … autant de compétitions sportives qui rythment l’actualité de la voile française et pour lesquelles l’engouement du public, impressionnés tant par ces navigateurs hors normes, prêts à affronter l’océan avec bravoure et ténacité, que par la taille et la technologie embarquée de leurs montures, ne se dément pas.
La course au large, incubateur d’innovations technologiques ?
La taille et la technicisation des unités de course au large augmentent chaque année, la navigation devient de plus en plus extrême et donc exigeante, tant pour les bateaux que pour les skippers qui doivent, cours après course, s’adapter à de nombreuses évolutions technologiques.
Chaque manifestation livre en effet son lot de progrès et d’innovations technologiques, souvent dévoilés par leurs concepteurs sur la ligne du départ pour ménager l’effet de surprise et bénéficier si possible d’un coup d’avance sur leurs concurrents, avant d’être reprises et éventuellement généralisées sur les versions suivantes des bateaux de course.
Par le passé, c’est notamment Eric Tabarly qui a été à l’origine de nombreuses inventions, chacun de ses Pen-Duick lui permettant de tester une nouvelle idée, parfois radicale voire révolutionnaire, qui pourtant nous semble incontournable aujourd’hui sur nos unités de croisière, comme l’enrouleur, les ballasts ou la chaussette à spinnaker, qui lui a permis de lancer un spi en solitaire sur Pen Duick VI, son ketch initialement prévu pour un équipage de 12 marins !
Plus récemment, des progrès considérables ont été faits en matière :
- de profil de carènes, car la filière française de la compétition brille d’abord par ses architectes navals qui dessinent et améliorent sans cesse les plans des bateaux les plus performants au monde,
d’appendices permettant de diminuer la résistance à l’eau et donc d’accélérer encore, comme les foils, auxquels Tabarly, encore lui, s’est intéressé il y a de cela vingt ans déjà, et qui, en équipant dorénavant également les monocoques pour compenser la gîte, sustenter le bateau et permettre de lâcher plus de toile, sont devenus les stars des transats ces dernières années,
- de matériaux composites (carbone, kevlar, …), tout autant légers que résistants, pour la conception et la construction de coques et de gréements de haute technicité,
- de connaissance des matières car dans la course au large, l’ensemble du bateau est concerné par l’innovation, de la recherche d’alternatives à l’anti-fouling aux voiles rigides ou plus légères sans perte de résistance en passant par les fibres textiles, jusqu’à huit fois plus légères que l’acier et insensibles à la corrosion,
de systèmes électroniques de pointe, pour faciliter la navigation, établir des mesures du vent plus précises, et peut être demain maîtriser le vol des multicoques équipés de foils,
- d’outils de communication, qui ont permis ces 20 dernières années de généraliser le routage météo et d’optimiser les choix opérés par les skippers, pour gagner en vitesse mais également pour renforcer leur sécurité,
- d’équipements de production d’énergie renouvelable, pour garantir l’autonomie des bateaux de course notamment lors des compétitions autour du monde sans assistance.
Mais ces progrès, qui visent pour la plupart à pulvériser les records de vitesse précédents, semblent réservés à ces unités d’exception et inaccessibles pour le grand public amateur. La principale raison est bien entendu d’ordre financière, car quel particulier pourrait rivaliser avec les millions investis dans ces bateaux de compétition ?
On peut donc légitimement s’interroger sur la plus-value de ces compétitions d’élite, qui mobilisent des crédits conséquents pour permettre, in fine, à certaines multinationales de s’afficher en profitant de la large couverture médiatique développée pour l’occasion, voire de bénéficier de l’aura environnementale qui habille dans l’esprit du grand public toute épreuve extrême se déroulant en milieu naturel.
La course au large, au bénéfice de tous les marins !
Et pourtant !
Aujourd’hui, nos bateaux de plaisance empruntent quantité d’innovations technologiques aux prototypes de course, des systèmes de communication au pilote automatique en passant par l’optimisation des gréements.
Certaines de ces innovations bénéficient à nos unités de croisière depuis plusieurs années déjà tandis que d’autres commencent seulement à se démocratiser.
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Les fibres textiles
Elles commencent à s’installer sur presque tous les bateaux de plaisance. Qui aujourd’hui n’a pas recours, a minima, à un petit bout de dyneema pour accrocher une poulie, sécuriser une ancre ou encore amurer une voile ? Elles sont également très utiles dans une trousse à outil comme cordage à tout faire pour des réparations de fortune.
Leur usage est de plus en plus important sur nos voiliers, sous forme d’une manille textile ou en transfilage en remplacement des manilles inox, sous forme de gréement courant (en particulier sous forme de drisses pour gagner du poids dans les hauts et limiter l’allongement des cordages, donc gagner en performance). Elles commencent également à être utilisées en gréement dormant, comme étai largable, pataras non structurel ou bastaques.
Si l’utilisation des fibres textiles pour l’ensemble du gréement dormant devient la norme sur les unités de course, leur coût ne les met pas encore à la portée de nos voilier pour le moment … mais pour combien de temps encore ?
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Le bloqueur textile
Trois fois plus léger et deux fois plus résistant que les bloqueurs métalliques traditionnels, le bloqueur textile a révolutionné la course au large et ne devrait pas tarder à se généraliser sur les voiliers de croisière.
D’une grande simplicité et d’une efficacité sans faille, ce système de blocage utilise le principe de la chaussette textile. Une gaine tressée en fibre aramide Technora® se referme sous tension sur le cordage et le bloque instantanément. Plus la tension s’accentue, plus le blocage est puissant. Contrairement aux taquets métalliques, le bout n’est pas écrasé entre deux cames, il n’est donc pas déformé, déchaussé, griffé. Pour libérer le cordage, il suffit de rétracter la gaine, ce qui se fait aisément même sous charge importante.
Le bloqueur textile peut donc remplacer les bloqueurs traditionnels (généralement à came aluminium) et les hooks en tête de mât car il est manœuvrable à distance via un simple bout. Il présente également l’avantage d’éviter le surgainage de vos cordages à l’emplacement des bloqueurs.
Encore peu répandu en plaisance, il ne saurait tarder à convaincre tous les plaisanciers à la recherche de solutions simples et efficaces, d’un coût équivalent aux solutions traditionnelles.
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Le carbone
Le carbone est omniprésent sur les bateaux de course au large : coques en sandwich carbone, ensemble des espars, voile de quille, mèche de safran, cadène … car c’est un matériau vraiment performant techniquement, avec son rapport poids / tenue mécanique exceptionnel.
Les fréquents démâtages intervenus lors des dernières courses au large peuvent laisser à penser que le carbone reste fragile ou nécessite une technicité encore insuffisamment maîtrisée mais il convient de ne pas oublier que la course hauturière reste un sport mécanique qui sollicite le matériel à l’extrême avec une prise de risque maximale lors de la conception des bateaux. Si le carbone est encore peu présent sur les voiliers de plaisance, c’est avant tout pour une question de coût.
Il est toutefois aujourd’hui possible d’observer des barres à roue en carbone, mais l’apport du carbone ne nous semble pas significatif en terme de performance et il s’agit pour nous avant tout d’une question de look !
Plus intéressant, les mâts carbones commencent à percer sur les unités de course-croisière ou certains catamarans. Les principaux avantages correspondent au gain de poids dans les hauts, à la rigidité du mât et à sa longévité liée à l’absence du phénomène de fatigue mécanique, et à une corrosion moindre que sur de l’aluminium même si le phénomène d’électrolyse existe aussi entre l’inox et le carbone. Par ailleurs, le procédé de fabrication des mâts carbone permet un renforcement localisé si nécessaire, contrairement aux mâts alu qui sont extrudés avec un profil constant de haut en bas.
Le gain de poids généralement observé pour un mât carbone par rapport à une version aluminium est d’environ 40% mais pour un prix encore aujourd’hui multiplié par 3. Et comme il convient d’être cohérents pour l’ensemble de son gréement (courant, dormant, barres de flèche et accessoires), la facture peut vite s’envoler, l’investissement doit donc être réfléchi et se justifier !!!
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La carène large et puissante pour le portant
Les avancées architecturales issues de la course au large (étrave droite, arrière planant large et volumineux, maître bau reculé, longueur de flottaison maximale, bouchain évolutif …) qui ont permis aux bateaux de course d’aller toujours plus vite sans incidence sur leur jauge, sont souvent transposées aux voiliers de croisière, mais avec plus ou moins de succès.
Le bouchain évolutif est un exemple intéressant. Mis au goût du jour au début des années 2000 avec l’apparition des carènes planantes sur des Mini 6.50 ou des 60’ open, on oublie souvent qu’il existe depuis bien plus longtemps. Mais ce n’est qu’à partir de cette date qu’il a été mis en œuvre sur les voiliers de croisière, autant comme un parti-pris esthétique ou une mode que pour augmenter significativement la puissance et l’habitabilité des bateaux tout en respectant une largeur donnée (notamment pour rentrer dans une place de port). Ainsi, la partie basse de la carène, qui correspond à la partie « utile », présente des caractéristiques équivalentes à celles d’un bateau beaucoup plus large avant qu’une bordée verticale ne vienne l’interrompre afin de maintenir un maître-bau raisonnable.
Beaucoup des productions de grande série qui n’ont pas de contrainte de fabrication liée à la forme de la coque de leurs modèles, utilise désormais ce principe du bouchain évolutif.
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L’hydrogénérateur
Longtemps, les bateaux de course au large ont fait appel à un générateur diesel pour répondre à leurs importants besoins électriques (pilote automatique, quille pendulaire hydraulique, dessalinisateur, électronique embarquée et outils de communication).
Puis, progressivement, les solutions renouvelables telles que l’énergie solaire et l’énergie hydraulique ont commencé à s’imposer avec succès.
Sur nos unités de croisière où les besoins énergétiques sont également importants du fait de l’augmentation du confort à bord, l’énergie solaire est la solution à privilégier si vous croisez en Méditerranée ou sous les tropiques, d’autant que l’augmentation des rendements des panneaux et la baisse de leur prix permet l’installation d’une puissance importante.
Pour des contrées moins ensoleillées et/ou un programme conduisant à parcourir régulièrement un certain nombre de miles, la solution hydrogénérateur est très performante, surtout pour les voiliers qui atteignent rapidement les 7 ou 8 nœuds. L’intérêt de cette production réside dans le fait qu’elle est indépendante de l’ensoleillement ou de l’orientation du vent (contrairement à une éolienne), seule la vitesse du bateau compte. Compte tenu de l’efficacité de ce type d’équipement, vos batteries sont rechargées rapidement et il n’est plus nécessaire de traîner l’hydrogénérateur en permanence, ce qui rend dorénavant négligeable l’éventuelle perte de vitesse liée à cette trainée.
L’hydrogénérateur est un équipement qui a notamment été perfectionné pour Yannick Bestaven, skipper du Vendée Globe en 2008, dans l’objectif d’accomplir cette course autour du monde en solitaire sans recours aux énergies fossiles.
Divers fournisseurs sont présents sur le marché et proposer des équipements performants pour la plaisance.
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L’emmagasineur
La plupart d’entre nous dispose de voiles supplémentaires au classique jeu GV / génois mais il est parfois difficile de les envoyer ou de les affaler (une voile d’avant de grande superficie ou une trinquette plus réduite dans le mauvais temps) et il arrive que nous hésitions à les utiliser alors que nos conditions de navigation sont pleinement adaptées.
Comme il est souvent plus simple de les hisser roulées puis de les dérouler, notamment en équipage réduit, l’emmagasineur, qui possède son système d’enroulement mais aussi son propre étai (généralement en textile), est un équipement pleinement éprouvé par les coureurs en solitaires depuis quelques années. Il sert de système de rangement de la voile, soit roulée, soit déroulée, c’est un système tout ou rien, sans réduction possible.
Sur un voilier de croisière, les voiles les plus utilisés et pouvant être emmagasinée sont : le spi asymétrique, le gennaker, la trinquette ou le code 0. Un emmagasineur n’est malheureusement pas adapté au spi symétrique dont le creux ne permet pas un enroulement satisfaisant.
Certains plaisanciers ont purement et simplement renoncé à l’utilisation des voiles d’avant de portant (de loin les plus importantes en terme de surface mais également les plus fragiles) ce qui en soit est regrettable car ces voiles sont de loin les voile les plus efficaces au portant. Par ailleurs, il est tout à fait possible d’utiliser un seul emmagasineur pour toutes ces voiles, chacune d’entre elles étant enroulées sur son propre bout anti-torsion. Les charges de travail sont différentes d’une voile à l’autre, ainsi que les points de fixation et les drisses utilisées mais il suffit de choisir le modèle d’emmagasineur correspondant à votre plus grosse charge de travail (qui peut le plus peut le moins) et équipé, si possible, de la fonction « spi asymétrique » pour tout faire avec le même équipement.
Encore assez peu répandu sur nos voiliers, l’usage d’un emmagasineur de développe petit à petit. Au regard de notre équipage familial, nous avons fait le choix de gréer notre spi asymétrique de … 165 m² sur emmagasineur. Nous ne manquerons pas de vous faire un retour spécifique sur son utilisation en croisière dans un prochain article.
Toutes ces avancées technologiques développées année après année sur les unités de course au large facilitent notre quotidien en croisière et contribuent notamment à alléger nos unités pour plus de performance, synonyme de rapidité et de sécurité.
Alors, pourquoi donc ne pas nous autoriser à imaginer également l’arrivée prochaine des foils sur nos unités de croisière à la voile ?
La course au large nous offrira peut être demain cette innovation qui nous apparaît encore aujourd’hui inaccessible. Osons rêver !
Nous vous souhaitons bon vent et bonne mer.
Vous souhaitez réagir à cet article ? N’hésitez pas à nous donner votre avis sur les apports de la course au large dans les commentaires ainsi qu’à partager votre éventuel retour d’expérience sur ces différentes innovations dont nous bénéficions dorénavant sur nos voiliers de croisière.
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