S’offrir la magie d’un mouillage forain

Vous avez quitté votre port d’attache pour quelques heures ou quelques jours, mis le cap sur votre destination le long d’une côte ou vers la belle petite île, là-bas au loin, qui vous attire depuis si longtemps.

Quelques soient votre allure et les conditions de vent et de mer rencontrées, douces et sereines ou plus agitées et éprouvantes, vous tenez bon la barre et gardez en tête votre unique objectif, mouiller dans une petite baie calme et abritée, admirer le paysage environnant, savourer un moment de détente, seul ou en bonne compagnie, communier avec la nature à toute heure du jour ou de la nuit, rechercher un peu de solitude, loin de l’agitation permanente du monde des terriens et des trépidations de la ville.

La mer peut être versatile, tour à tour amicale et querelleuse, et elle peut vous tester jusqu’à vous contraindre, parfois, à repousser vos limites. Quelque soit le programme qu’elle vous réservera, elle vous offrira toujours, en récompense de vos efforts et de votre persévérance, la magie de pouvoir jeter l’ancre à la fin d’une journée de navigation.

Passer quelques heures, quelques jours, quelques nuits au mouillage procure un bonheur et un bien être difficile à décrire :

  • jeter l’ancre est toujours source de dépaysement car nos repères sensoriels peuvent facilement être bousculés par des couleurs inédites, des odeurs inconnues plus ou moins prononcées, les sonorités d’une langue étrangère,
  • jeter l’ancre réveille le goût de l’aventure qui sommeille en chacun d’entre nous en nous permettant de découvrir jour après jour de nouveaux environnements,
  • jeter l’ancre nous offre la possibilité de nous retrouver avec nos proches, famille ou amis, et de prendre le temps de nous connaître ou nous reconnaître, d’échanger pendant des heures de tout et de rien, de contempler la beauté des lieux qui nous entourent,
  • jeter l’ancre permet de partager des moments uniques ensemble, moments de complicité, de rire, d’émotion, de retrouvailles …

Alors, pour que rien ne vienne gâcher ce mouillage forain tant rêvé et que la magie du moment ne disparaisse pas dans un nuage de fumée comme un mauvais petit djinn, voici quelques conseils qui vous permettront d’assurer la bonne tenue de votre mouillage et de profiter l’esprit léger de cet espace-temps unique et inestimable qui s’offre à vous.

Mais tout d’abord, laissez-nous vous raconter une histoire …

Comment un lieu de rêve est devenu en quelques heures notre pire mouillage forain ?

Pour notre première croisière familiale à bord de Saba, nous avions choisi l’île de Majorque aux Baléares. Pour différentes raisons, sa relative proximité avec notre port d’attache tout d’abord, la possibilité de partager pour la première fois avec les enfants une nuit en mer ensuite, et enfin et surtout, l’envie de retourner sur les traces de notre premier voyage à la voile en 2002.

Nous avions donc tout naturellement choisi comme point d’atterrissage de notre traversée la jolie baie circulaire de Puerto Soler, si parfaitement abritée, que nous avions découverte il y a 15 ans quasi-déserte après une traversée orageuse et tumultueuse du Golfe du Lion et dont nous gardions un merveilleux souvenir.

C’est au petit jour que nous arrivons en vue de la côte ouest de Majorque et dès le premier regard, nous sentons que cette première escale sera bien différente de nos souvenirs. Des voiliers sont visibles dès le chenal d’entrée et plus nous approchons, plus la densité du mouillage se révèle à nous.

Peu importe, nous sommes quelque peu fatigués par notre nuit de quart, nous zigzaguons donc entre voiliers et bateaux à moteur, notre quille relevable nous permettant de nous positionner au 1er rang face à la plage, et nous mouillons, bien décidés à profiter des lieux dès que nous aurons récupérés un peu.

La journée se passe merveilleusement bien, le vent est aux abonnés absents, nous partons en excursion jusqu’au pittoresque village de Soler, confiants et sereins.

A notre retour, nous apprenons qu’une saute de vent à conduit Saba à aller se frotter au bateau voisin mais il n’y a pas de dégât, tout semble rentré dans l’ordre et nous passons une agréable fin d’après midi, entre baignades et préparation de notre étape du lendemain.

Dans la soirée, le vent se lève à nouveau et les rafales, désordonnées en direction comme en puissance, commencent sérieusement à perturber le mouillage, si paisible jusqu’alors. A plusieurs reprises, notre bord se rapproche du voilier d’à côté et lorsque quelques premiers bateaux commencent à déraper, nous décidons de quitter les lieux et de nous positionner à l’entrée de la baie, relativement profonde mais plus aérée, prêts à lever l’ancre le lendemain dans la matinée.

Bien nous en a pris, le vent ne faiblit pas, les rafales se renforcent avec la nuit qui tombe et nous assistons, heure après heure, à un ballet nocturne de plus en plus cauchemardesque, composé d’annexes à la dérive, de dérapages en série, de mouillages emmêlés, le tout ponctué de cris, d’appels à l’aide et même d’une fusée de détresse.

Autant dire que nous passons la nuit à surveiller l’évolution de la situation et à veiller qu’aucun voilier ne dérive sur nous, avant de lever l’ancre au petit jour, fermement décidés à éviter à l’avenir tout mouillage surchargé.

7 règles essentielles pour mouiller en sécurité

Bien qu’à aucun moment, la tenue de notre ancre ne nous ait inquiété au cours de cette aventure, cette nuit mémorable au mouillage à Puerto Soler nous a opportunément rappelé les règles de base d’un ancrage forain et l’impérieuse nécessité de les respecter scrupuleusement, pour garantir tant notre sécurité que celle de notre voilier.

Nous en avons identifié 7, que nous souhaitons partager sans attendre avec vous

  • s’équiper d’une ancre adaptée au type et au poids de son voilier,
  • disposer d’une ligne de mouillage d’une longueur suffisante,
  • prévoir un ancrage secondaire prêt à l’emploi,
  • choisir dans la mesure du possible un lieu de mouillage bien abrité des vents dominants et de la houle du large,
  • identifier la nature et la tenue des fonds avant de jeter l’ancre, privilégier autant que possible les fonds sableux ou vaseux et éviter les algues, les herbiers, voir les roches,
  • adapter la longueur de la chaîne de mouillage mise à l’eau à la nature des fonds et à la profondeur,
  • estimer au mieux son cercle d’évitage ainsi que la plus courte distance du voilier à la grève ou vis à vis d’éventuels hauts fonds.

Un mouillage forain réussi en 4 étapes

Après ces quelques rappels indispensables, passons au vif du sujet.

Vos voiles sont affalées, votre ancre est à poste dans le davier, vous avez repéré l’endroit où vous souhaitez mouiller, vous avez réparti les rôles au sein de votre équipage, qui à la barre et qui à l’ancre.

1- Paré à mouiller

Pour prendre votre place, vous mettez votre voilier face au vent, à distance respectable des éventuels voisins arrivés avant vous, votre ancre est prête à être libérée à la verticale de l’étrave.

Attention toutefois à ne pas la laisser traîner dans l’eau, car elle peut venir cogner contre votre étrave et y laisser une cicatrice durable.

2- Laissez filer

Moteur au point mort, votre voilier s’immobilise face au vent. C’est le moment de laisser filer la chaîne pour poser l’ancre au fond de l’eau.

Pour éviter que votre mouillage ne ressemble à un amas de chaîne sans aucune tenue, vous enclenchez ensuite la marche arrière pour reculer doucement et vous laissez filer pour dérouler la chaîne à plat sur le fond.

 

3- Testez votre accroche

Lorsque vous avez lâché au minimum 3 fois la hauteur d’eau en chaîne, vous la bloquez dans le guindeau pour que l’ancre croche et stabilise votre voilier.

Une fois ce dernier bien positionné dans l’axe du vent, vous actionnez un bon coup de marche arrière pour que l’ancre puisse s’enfouir et garantir la bonne tenue de votre mouillage. Si votre ancre accroche correctement, cette manœuvre vous permet de sentir une tension dans la chaîne et de voir cette dernière se soulever à l’horizontal. Si ce n’est le cas, il ne vous reste plus qu’à tout remonter et à recommencer.

4- Réglez la longueur de chaîne

Une fois que le bateau s’est remis dans l’axe du vent, vous lâchez à nouveau, si nécessaire, de la chaîne pour régler sa longueur en fonction de la tenue des fonds, de la profondeur de votre mouillage et de la force du vent, tout en gardant à l’esprit l’ampleur de votre cercle d’évitage pour ne pas mettre votre voilier en difficulté en cas de saute ou de renverse du vent.

Une ancre fonctionnant de façon optimale quand la traction exercée sur celle-ci est horizontale, plus le vent forcira, plus vous devrez lâcher de la longueur de chaîne.

Pour éviter une usure prématurée du guindeau, la fatigue du davier, limiter le ragage sur le pont et s’affranchir de l’absence d’élasticité et donc d’amortissement de la chaîne, nous vous conseillons de passer une amarre dans un maillon de la chaîne, puis de passer cette patte d’oie dans le davier et d’attacher enfin les 2 extrémités sur les taquets avant.

Cela vous permettra de relâcher la chaîne pour supprimer les efforts dans le guindeau et de supprimer par ailleurs les bruits de chaîne dans le davier.

 5 conseils bonus à ne pas oublier avant d’envisager un mouillage forain

Conseil # 1Renseignez-vous sur les zones de mouillage

Sauf en cas d’urgence, il n’est pas possible de mouiller n’importe où … Dans certaines zones, le mouillage est interdit (fond protégé, câble sous-marin, zone militaire, …).

Les cartes indiquent la nature des fonds, ce qui peut être précieux pour préparer son mouillage sur des zones inconnues ou peu fréquentées

Conseil # 2Ne mouillez pas dans les Posidonies

Eviter de mouiller dans les Posidonies car, outre le fait qu’il s’agit d’une espèce protégée, votre ancre glissera sur la surface des mattes et aura du mal à s’accrocher. Choisissez plutôt une zone de sable, facilement repérable de la surface par sa couleur claire, pour poser votre ancre.

Conseil #3Ne manœuvrez jamais pieds et mains nues

Ancre, chaîne et guindeau sont des équipements nautiques dangereux. Veillez à toujours les manipuler avec des chaussures au pied et des gants aux mains pour prévenir tout accident.

Conseil # 4Ne coupez pas le contact moteur

Ne coupez jamais le moteur avant d’avoir fini toutes vos manœuvres et d’être sûr d’avoir bien accroché votre ancre sur le fond. Si vous avez besoin de redémarrer en urgence et que votre moteur vous joue des tours juste à ce moment-là, vous risquez de dériver et d’abîmer d’autres bateaux au mouillage ou même pire, de finir dans les rochers …

Conseil # 5Prenez le temps de vérifier vos alignements

Vous venez juste de mouiller, vous rêvez depuis plusieurs heures d’une baignade rafraîchissante ou d’une escapade à terre. Avant de quitter votre bord, prenez tout de même encore quelques minutes pour vérifier la bonne tenue de votre mouillage en choisissant un repère fixe à la côte et en l’observant quelques instants pour être sûr que rien ne bouge.

 

Vous voilà dorénavant fin prêts à mouiller avec précision et efficacité.

A vous la magie des petites criques sauvages et solitaires …

 

Nous vous souhaitons bon vent et bonne mer.

 

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