Nous sommes en mer, entre Corse et continent.
C’est notre première escapade estivale avec Williwaw, dont nous sommes propriétaires depuis quelques mois seulement.
Nous avons tout juste 27 ans, et des rêves plein la tête, que notre nouveau statut de skipper d’un voilier rend plus concrets et accessibles.
La mer est d’azur, la brise légère, le soleil pénètre par tous nos pores. Nous nous gorgeons de ses rayons, de sa lumière, de son énergie, qui contrastent si brutalement avec les grisailles matinales qui habillent habituellement notre quotidien de parisiens.
Pour cette première saison sur l’eau, nous avons embarqué une équipière, une camarade de promo agro-halieute comme moi, une amie.
Nous sommes au large, seuls à première vue, et nous devisons tranquillement dans le cockpit quand soudain, nous entendons Bertrand pousser un cri de surprise largement teinté d’inquiétude …
Nous émergeons brutalement de la douce quiétude du moment présent et, interloquées, sautons sur nos pieds pour découvrir et comprendre la cause de cet effroi. Mais après un vaste tour d’horizon, la surface de l’eau nous apparaît toujours aussi lisse et nous sommes toujours aussi seuls …
Alors que notre regard revient progressivement vers Williwaw, un bouillon de grande envergure finit par attirer notre attention, juste là, devant notre proue. L’écume qui le borde tout autant que le bleu insondable des profondeurs qui en constitue le centre nous étonne, nous trouble, nous inquiète.
Bertrand nous rejoint et nous raconte enfin ce qui vient de se passer. Comment, alors qu’il scrutait le large, dans l’espoir d’apercevoir une expression de cette vie marine qui nous fascine tant, un rorqual de taille imposante a sauté hors de l’eau à quelques mètres seulement de lui ! Vision ô combien fugace mais si saisissante, intense et magique que nous la voyons profondément imprimée au fond de ses yeux …
La journée se termine sans autre fait notable, la nuit s’installe progressivement, épaisse et sombre, les étoiles sont en berne et la lune aux abonnés absents. La légère brise qui nous a rafraîchi aux heures les plus chaudes finit par tirer également sa révérence, nous laissant désœuvrés sur cette immensité immobile.
Quand petit à petit, le décor s’anime à nouveau et met tous nos sens en émoi. Des souffles puissants parviennent à nos oreilles, s’éloignent pour mieux se rapprocher. Nous avons, l’espace d’un bref instant, l’impression qu’un être fantasmagorique a trouvé place dans notre jupe tant sa présence est prégnante et semble proche de nous.
Des ombres souples et agiles apparaissent, tantôt à bâbord, tantôt à tribord, se rejoignent, se dépassent, jusqu’à parfois disparaître.
Ce ballet nocturne inattendu nous prend au dépourvu, nous fascine mais nous oppresse un peu, aussi.
La mer s’éveille, la mer frémit, la mer bruisse, la mer vit !
Nous sommes les témoins privilégiés, l’espace de quelques heures, de cette vie secrète mais si intense que la mer abrite et protège …
Brève de mer #2