Utiliser des cordages en fibres textiles haute performance sur votre voilier

Dyneema enzymés de différentes couleursQue ce soit à la main, avec un palan, ou encore à l’aide d’un winch, presque toutes vos manœuvres en navigation font appel à un cordage.

Traditionnellement fabriqués avec des fibres naturelles comme le sisal, le chanvre, le lin ou le coton, ces cordages nautiques tels que nous les avons toujours connus sont aujourd’hui en voie de disparition.

Les fibres modernes sont en effet en passe de révolutionner nos voiliers de croisière (gréement courant, drosse de barre, pataras non structurel ou étai larguable, …), elles sont partout et remplacent même progressivement les câbles métalliques pour le haubanage sur les unités de course au large où résistance et légèreté priment sur les questions de coût.

Comment faire son choix parmi ces nouvelles fibres synthétiques ?

La fibre synthétique la plus utilisée dans la fabrication des cordages marins reste le Polyester. Il sert à la confection des drisses, des écoutes mais également des amarres.

Ses caractéristiques principales sont :

  • Allongement en charge de travail modéré : <5%
  • Très bonne résistance à l’abrasion
  • Résistance aux nœuds : 55 – 60 % (la perte de résistance engendrée par la présence de nœuds s’exprime en pourcentage de la résistance à rupture)
  • Bonne résistance aux UV
  • Absorption d’eau: 0,5 – 2,0 % (le polyester a la particularité de sécher rapidement)

Par contre, l’un des défauts du polyester réside dans le fait qu’il s’agit d’une fibre non flottante, et qu’il convient donc d’être vigilant lors de son utilisation, notamment sous forme d’amarre, à l’occasion de vos manœuvres au moteur.

Mais d’autres fibres synthétiques existent, apparues pour la plupart dans les années 70. Et depuis, la course à l’innovation fait rage :

  • les Aramides (Kevlar®, Twaron®, Technora®),
  • les Polymères à cristaux liquides (PBO, Zylon®, Vectran®) plus récemment, principalement utilisés pour la course au large,
  • et surtout les Polyéthylènes Haut Module (mieux connus sous les noms Dyneema® en Europe et Spectra® aux USA)

se disputent ardemment la première place.

Le choix est donc vaste et il convient de bien connaître les caractéristiques et les usages de chacun de ces types de fibres pour pouvoir les choisir et les utiliser à bon escient sur votre voilier.

  • les Aramides

Ils sont résistants à la chaleur (jusqu’à 400°C, Surgaine Technorace qui met d’emblée hors jeu votre coupe cordage électrique) et présentent de bonnes propriétés mécaniques :

  • un très faible allongement (< 1,5% en charge de travail)
  • une excellente résistance à la rupture,
  • un fort coefficient de frottement
  • une très faible absorption d’eau : 2-5%
  • une résistance aux nœuds : 30 – 35%

Ils sont toutefois peu résistants aux UV, ce qui limite leur durée de vie sur un voilier.

  • les Polyéthylènes Haut Module

Ce sont les petits derniers de la famille des nouvelles fibres techniques.

Commercialisées sous l’appellation Dyneema®, ces fibres présentent un coût trois à cinq fois plus élevé que le polyester, mais elles sont 2,5 fois plus résistantes à diamètre égal (10 fois plus résistantes que l’acier à poids équivalent) et 30 % plus légères.

Leurs principales caractéristiques sont les suivantes :

  • un très faible allongement (< 1,5% en charge de travail)
  • une excellente résistance à la rupture,
  • une bonne résistance à l’abrasion et aux UV
  • une résistance aux nœuds : 35 – 50%
  • une très faible absorption d’eau : <1% – flottantes

Transfilage sur cadène carboneCes fibres supportent par ailleurs parfaitement les faibles rayons de courbure (dans la limite minimum de 2 fois le diamètre du cordage).

Ces caractéristiques exceptionnelles positionnent les fibres Dyneema® au 1er rang des fibres utilisables pour vos drisses et l’ensemble de vos fixations textiles (manilles, transfilages, …).

Il existe différentes qualités de Dyneema® (SK25, SK60, SK62, SK65, SK75, SK78, SK90, SK99), résultants des améliorations techniques successives qui ont conduit à renforcer au fil du temps les performances de ces fibres modernes remarquables :

  • Le Dyneema® SK78

Equivalent au SK75 en termes de résistance à la rupture et d’élasticité, le SK78, apparu en 2002, présente comme avantage un fluage, soit une tendance à la déformation lente et irréversible sous charge dans le temps, plus faible. Le SK78 est aujourd’hui utilisé majoritairement pour la fabrication des cordages «Dyneema» actuels.

  • Le Dyneema® SK90

Sorti en 2009, le SK90 conserve les avantages de ses prédécesseurs tout en augmentant sa résistance à la rupture de 13% à diamètre égal par rapport au SK78. Son fluage reste par contre équivalent à celui du SK75, donc plus important que celui du SK78.

  • Le Dyneema® SK99

Créé en 2013, le SK99 correspond à une évolution du SK90 en augmentant encore la résistance de ce dernier de 6% à diamètre égal.

Le principal inconvénient des fibres Dyneema® / Spectra® reste toutefois leur fluage. Cette spécificité rend ainsi cette famille de fibres totalement impropre à une utilisation en gréement dormant, qui nécessite une grande stabilité dimensionnelle (comme nous, il est probable que la plupart d’entre vous évite d’avoir à retendre son gréement régulièrement !).

Hormis cet usage spécifique, leur facilité d’utilisation et leur résistance rendent les fibres Dyneema® de plus en plus populaire à bord de nos voiliers.

Enfin, n’oubliez pas que tout nœud réalisé sur un cordage, quel qu’il soit, conduit à une perte de résistance de l’ordre de 50%, ce qui doit vous inciter à systématiser l’usage des épissures.

Cette précaution est d’autant plus stratégique avec le Dyneema® que cette fibre est très glissante, ce qui conduira fréquemment votre nœud à se dénouer et donc à lâcher, y compris s’il s’agit d’un nœud de chaise ou d’un tour mort avec demi-clés.

Des essais en charge avec un Dyneema® sans gaine réalisés comparativement avec nœud de chaise et épissure ont permis de mettre en évidence une tenue de charge 7 fois supérieure dans le cas de l’épissure.

Ces résultats devraient suffire à vous convaincre de l’intérêt de généraliser les épissures sur votre voilier !

Comment reconnaître les principales fibres installées sur votre voilier ?

Vous avez un doute sur la nature d’un cordage et son allongement ?

Avant de décider de l’affecter à un usage précis, accrochez-le à un point fixe, prenez-en une bonne longueur (10 m par exemple) et tirez dessus.

S’il s’agit d’un cordage polyester, vous sentirez immédiatement son élasticité contrairement à un cordage de la famille des Dyneema® qui, lui, ne s’allongera pas.

Pour visualiser ce que peut représenter l’allongement d’un cordage, prenons l’exemple de notre voilier de 43 pieds dont les drisses présentent une longueur de 25 mètres :

  • Avec du polyester, l’allongement de notre drisse avoisinerait lors de l’étarquage les 1,5 mètres, ce qui représente 6 tours de winch … nous vous laissons imaginer le nombre de tours de manivelle correspondants !!!
  • Avec du dyneema, l’allongement lors de l’étarquage reste non significatif

Dyneema brûlé en chou-fleurPour connaître la nature de l’âme de votre cordage, vous pouvez également utiliser le test du briquet et brûler le bout du cordage :

  • le polyester fond rapidement en formant une boule plastique noire qui ne forme pas de fils.
  • les fibres aramides (Kevlar® / Technora®) ne fondent pas mais se consument lentement en rougeoyant sous la flamme. Ces fibres se dégradent lentement en formant un résidu noir.
  • le Dyneema® se rétracte sur lui-même en s’ouvrant sans que les fils ne se collent entre eux, ce qui donne à l’extrémité coupée un aspect en « choux-fleur » caractéristique, il ne s’enflamme pas et ne fait pas de boule fondue. La combustion dégage une odeur de bougie.

Comment protéger vos fibres textiles modernes ?

C’est l’âme qui apporte à proprement parler aux cordages leur résistance mécanique.cordage âme et gaine

Toutefois, la gaine vient conforter ces caractéristiques en permettant de prévenir la dégradation de l’âme par frottement, exposition à la chaleur ou aux UV, ….

La gaine facilite également la prise en main de votre cordage (diamètre supérieur, matière peu agressive au toucher).

La majorité des gaines est actuellement réalisée en polyester, dont la résistance à l’abrasion et aux UV est déjà élevée, mais la mise en place d’une sur-gaine, bien choisie et judicieusement localisée, vous permettra d’allonger significativement la durée de vie de vos cordages.

Sur-gainer un cordage revient simplement à poser localement une épaisseur de gaine supplémentaire, ce qui permet de protéger un cordage aux endroits où il se trouve être le plus exposé au ragage (winch, bloqueur, réa,, mousqueton, etc. ).

La sur-gaine augmente ainsi la durée de vie de vos bouts car quand elle est usée, il suffit de la changer plutôt que de remplacer l’ensemble du cordage.

C’est donc un investissement qui s’avère particulièrement économique sur le long terme, notamment si vous optez pour des cordages techniques dont le coût reste élevé.

Mais une sur-gaine conduit aussi à augmenter sensiblement le diamètre de votre cordage. Pensez donc au préalable à vérifier que votre accastillage est adapté et supportera sans problème cette augmentation localisée de diamètre !

Les matériaux adaptés pour réaliser une sur-gaine peuvent être le polyester, le Dyneema®, le Technora®, ou encore un mixte Technora® / polyester :

  • La résistance remarquable du Technora® à la chaleur et à la friction le destine tout particulièrement aux sur-gaines de winch et de bloqueur. Néanmoins, compte tenu de sa faible tenue dans le temps lorsqu’elle est exposée aux UV, cette fibre technique reste peu utilisée sur nos voiliers de croisière sur lesquels nous privilégions en général pour cet usage une version mixte Technora® / polyester.Surgaine au passage d'un anneau de friction
  • Une sur-gaine en Dyneema®, glissante et supportant bien les faibles rayons de courbure, sera parfaitement adaptée pour les passages de réas / poulies et les autres points de ragage (anneaux de friction, barres de flèches, …). Par ailleurs, une sur-gaine en Dyneema® peut être très esthétique grâce à l’utilisation possible de l’ensymage (trempage de la fibre dans un bain de polyuréthane) qui permet de colorer la fibre tout en augmentant sa tenue aux UV et à l’abrasion.
  • Une sur-gaine en polyester vous offrira une protection à faible coût pour les usages cités précédents mais devra être changée plus régulièrement. Elle permettra également d’augmenter la taille de votre cordage pour une prise en main facilitée ou une meilleure compatibilité entre votre cordage et le diamètre de vos self-tailing et de vos coinceurs. En effet, la question du diamètre des cordages constitue une problématique des fibres modernes, bien plus fines à résistance égale que leurs prédécesseuses traditionnelles et parfois difficiles à prendre en main.

Pour choisir le diamètre de votre sur-gaine, il suffira de retenir un diamètre identique à celui du cordage qu’elle est destinée à protéger. Sa mise en place est aisée et ne demande pas de longs apprentissages.

Nous vous proposerons prochainement de nouveaux articles qui vous permettront de découvrir quelques matelotages de base utilisant ces fibres modernes pour supprimer les points de faiblesse de vos cordages et remplacer petit à petit l’inox sur votre voilier.

Epissure et sur-gaine Dyneema pour accroche emmagasineurmanille textile Dyneema imperdable pour drisse

Transfilage poulie écoute de grand voileBoucle Dyneema pour poulie écoute de grand voile

Nous vous souhaitons bon vent et bonne mer.

Vous souhaitez réagir à cet article ? N’hésitez pas à nous donner votre avis sur ces fibres textiles modernes dans les commentaires ainsi qu’à partager votre expérience.

Cet article vous a plu ? Aidez nous à faire connaître ce blog en likant et partageant avec vos amis nos publications. Par avance, nous vous disons merci !

Partager l'article :

4 comments

  1. Magali Naidja - Répondre

    merci pour cet article. très complet. comment faire des secu de ridoirs?

    • Hélène & Bertrand - Répondre

      Merci Magali. Peux tu préciser ta question : cherches tu à éviter que ton ridoir ne se dévisse ou à le sécuriser en cas de casse ?

  2. Michel Horellou - Répondre

    excellent article bien utile pour ceux qui ont des années de pratiques nautiques classiques…et qui regardent ces nouveaux bouts de ficelles encore de loin … ce premier pas est donc d’autant plus important qu’il est simple, progressif… et donne envie d’aller plus loin .. BRAVO

    • Hélène & Bertrand - Répondre

      Bonjour,
      Merci pour votre retour. Il est vrai que bien souvent des choses simples peuvent faire peur mais qu’il suffit d’y mettre un pied pour s’apercevoir de l’accessibilité et des opportunités que cela offre. Je résous maintenant de nombreux problèmes grâce à ses solutions textiles … et ne saurait faire sans eux. Persévérez dans vos apprentissages.

Leave Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Découvrez les secrets de WINDY et exploitez le plein potentiel de cette appli météo incontournable pour bien préparer vos navigation