Voir et être vu est un gage de sécurité en mer :
- voir de jour comme de nuit, par temps clair ou dans le brouillard, les autres unités qui croisent dans le même secteur que vous, qu’il s’agisse de voiliers, de bateaux de pêche, de cargo ou encore de ferrys, et pouvoir anticiper vos manœuvres, voire vous dérouter, si vous êtes sur une route de collision,
- être vu de ces mêmes navires, notamment lorsque la mer est agitée et que votre voilier disparaît régulièrement dans le creux des vagues, rendant votre visibilité plus aléatoire,
Depuis quelques années, des nouveaux outils comme l’AIS se développent et viennent compléter efficacement les équipements traditionnels comme le radar.
L’AIS (Automatic Identification System) est en effet un système d’échange automatisé de messages par radio VHF, qui permet aux navires et aux systèmes de surveillance de trafic (le CROSS en France) de connaître l’identité, le statut, la position et la route des autres bateaux se situant dans leur zone de navigation.
Si l’AIS ne remplace bien entendu pas une veille attentive tout au long de votre navigation, il constitue une aide précieuse et permet d’apprécier rapidement et avec précision la direction du navire que vous voyez poindre sur l’horizon, sa vitesse et la distance à laquelle vous vous croiserez.
L’AIS, qui l’utilise ?
Tous les navires dont la jauge brute est supérieure à 300 tonneaux et effectuant des voyages internationaux sont équipés de ce dispositif depuis juillet 2007 (article V de la convention internationale sur la sauvegarde de la vie humaine en mer SOLAS)
Des systèmes AIS AtoN (Aids to Navigation) équipent également de plus en plus les marques flottantes (bouées de balisage) ou fixes (phares, installations pétrolières, fermes marines …) afin de permettre aux navires de les identifier rapidement.
Enfin plus récemment, certains fabricants de matériel de sécurité (comme Kannad, AMEC, Weatherdock et Ocean Signal) ont introduit sur le marché des balises portables qui utilisent l’AIS pour la fonction Homme à la mer :
- la radiobalise AIS MOB (Man OverBoard) : il s’agit d’un dispositif individuel de localisation par le réseau AIS,qui permet aux services de secours de localiser une personne en mer. Le message émis est détecté tout d’abord par le voilier auquel appartient la personne tombée à la mer (sous réserve de la présence d’un équipage à bord) mais également par tous les bateaux équipés d’un dispositif AIS se trouvant à proximité. Ce système n’envoie toutefois pas d’appel de détresse sur la fréquence 406 MHz (réseau satellitaire Cospas-Sarsat).
- la radiobalise AIS SART (Search and Rescue Transponder) : il s’agit d’un dispositif de localisation de détresse destiné à être utilisé sur les radeaux de survie qui utilise également la technologie AIS.
Ces balises de détresse envoient 2 types de messages :
- un message « 1 », qui contient leur position, le cap, la vitesse, la date et l’heure d’activation
- un message « 14 » qui spécifie s’il s’agit d’un message de détresse ou d’un simple test
Tous les récepteurs AIS (classes A et B) peuvent recevoir ces messages, les évaluer et les renvoyer sur un traceur, un radar ou un PC où un cercle rouge avec une croix s‘affichera alors (symbole international).
L’AIS, comment ça marche ?
Toutes les 2 à 10 secondes, un émetteur AIS transmet aux autres navires, équipés d’un récepteur compatible, des renseignements sur le navire sur lequel il est installé :
- son numéro MMSI, qui constitue l’identifiant unique de chaque bateau,
- son statut de navigation : amarré, au mouillage, faisant route au moteur, à capacité de manœuvre restreinte, échoué, en opération de pêche, handicapé par son tirant d’eau, faisant route à la voile, …
Attention, cette information n’est pas toujours très fiable car renseignée par le chef de bord qui oublie parfois de changer son statut.
Il vous arrivera ainsi probablement fréquemment de croiser de nombreux navires soit disant “amarrés” au milieu de l’océan, et en route à plus 15 nœuds !
- Sa route sur le fond
- sa vitesse sur le fond
- sa vitesse de changement de cap (c’est à dire son taux instantané de giration)
- sa position, en latitude et en longitude
- son cap vrai (provenant d’un compas)
- l’heure UTC
Toutes les six minutes, ces informations sont complétées par les données suivantes :
- un numéro d’appel sélectif
- le nom du navire
- le type de bâtiment ou de cargaison (ex. : marchandises dangereuses)
- les dimensions du navire
- la position de l’antenne AIS sur le bateau
- le type d’instrument de positionnement satellitaire utilisé : GPS ou Differential GPS
- le tirant d’eau (cette donnée est transmise à l’initiative du chef de bord)
- la destination (idem)
- l’heure estimée d’arrivée à destination ETA (idem)
- le nombre de personnes à bord (idem)
Toutes ces informations sont émises par votre appareil en continu, aussi bien en haute mer qu’en navigation côtière. Un voilier qui reçoit un signal AIS peut donc visualiser rapidement le cap et la vitesse du navire qui approche et évaluer s’il se situe sur une route de collision.
L’AIS est donc un remarquable outil pour éviter l’abordage en mer mais dans certaines limites malgré tout car les petites unités en sont encore rarement équipées. Néanmoins, compte tenu de sa facilité d’utilisation et de son intérêt, la plupart des navires de pêche et de plus en plus de plaisanciers décident de s’en équiper.
Sur les grandes routes maritimes comme il en existe notamment le long des côtes européennes (rail d’Ouessant, détroit de Gibraltar), l’AIS offre un suivi fiable et rapide d’un grand nombre de navires simultanément.
L’AIS, quel appareil choisir ?
Classe A, B ou B+ ?
Il existe 3 classes d’AIS :
- Les émetteurs dits de « classe A » : ils sont réservés aux navires soumis à la convention SOLAS et fonctionnent avec une puissance de signal VHF (12,5W) supérieure aux émetteurs de classe B, ce qui leur permet de communiquer avec des navires relativement éloignés.
- Les émetteurs dits de « classe B » : ils sont réservés à la plaisance et leur puissance se limite à 2W.
- Les émetteurs dits de « classe B+ », recourent à la même technologie que ceux de la classe « A ». Cette technologie SOTDMA permet au signal d’être prioritaire dans les eaux surchargées d’AIS et d’être transmis à une fréquence fonction de la vitesse du bateau émetteur. Ces émetteurs B+ présentent également une puissance d’émission plus élevée (5 W) que ceux de la classe « B », ce qui améliore encore la visibilité des voiliers qui en sont équipés de manière significative ainsi que la capacité des satellites récepteurs AIS à suivre leur position.
Notre équipement de classe B sur Saba nous permet de détecter les autres AIS « B » à une distance de 10 à 15 Nm en moyenne alors que les essais réalisés avec un voilier ami équipé d’un AIS de classe « B+ » nous ont permis de le capter jusqu’à 33 NM, bien que de façon discontinue.
Le gain de la classe B+ par rapport à la classe B semble donc confirmé et significatif.
Les récepteurs AIS captent sans distinction tous les messages des émetteurs AIS, qu’ils soient de classe A, B ou B+.
Récepteur ou récepteur / émetteur
Pour la croisière de plaisance, vous pouvez choisir de vous limiter à un simple récepteur. Ainsi, “vous verrez, mais sans être vu“.
Les récepteurs AIS sont peu onéreux et peu gourmands en énergie. Ils constituent un équipement de sécurité que vous pouvez interfacer avec votre lecteur de cartes ou votre ordinateur et visualiser ainsi les “cibles” à l’écran, ce qui vous permettra de suivre la route d’un bateau émetteur.
La portée de votre récepteur correspondra à la portée de votre antenne VHF, soit une portée de l’ordre de 20 MN.
Vous pouvez aussi décider de vous équiper d’un émetteur/récepteur. Vous recevrez ainsi les informations des autres navires et émettrez en retour celles relatives à votre voilier.
Cela vous permettra d’apparaître sur les écrans des gros navires marchands, ce qui constitue un vrai atout en terme de sécurité.
Les émetteurs / récepteurs AIS sont toutefois des appareils plus coûteux qui nécessitent leur propre antenne VHF ou un splitter d’antenne de qualité.
Bien qu’équipé d’un émetteur / récepteur, vous aurez toujours la possibilité de masquer votre émission et de vous comporter comme un simple émetteur, afin de ne pas être vu, à l’approche d’un nouveau pays (ce qui ne permettra pas aux autorités de connaître le jour exact de votre arrivée et de vous appliquer les majorations de fin de semaine par exemple) ou dans des zones sensibles où vous souhaitez avant tout rester le plus discret possible.
Attention, l’AIS ne remplace toutefois pas un radar, dont la portée est beaucoup plus importante. En effet, même si ce dispositif fonctionne en zone côtière comme hauturière, sa portée reste celle d’une VHF, soit environ 20 MN.
Par ailleurs, en voyant plusieurs cibles s’afficher sur votre cartographie, vous aurez l’impression de voir tous les bateaux des alentours. N’oubliez pas qu’un nombre conséquent d’entre eux ne sont pas équipés à ce jour d’un AIS et restent donc invisibles de vos instruments de navigation.
Antenne dédiée ou splitter
La majorité des voiliers est équipée d’une antenne radio VHF en haut du mât. Pour installer et utiliser également l’AIS, il est nécessaire de choisir entre les deux possibilités suivantes :
- Mettre en place une antenne dédiée à l’AIS ailleurs sur votre voilier car il importe que les 2 antennes VHF et AIS soient espacées au minimum de 2 à 3 mètres l’une de l’autre, afin que la totalité de la puissance (25 Watts) d’émission de l’antenne VHF n’aille pas directement dans le récepteur de l’AIS, ce qui l’endommagerait irrémédiablement.Les localisations de l’antenne AIS généralement observées sur un voilier sont sur le portique arrière, sur un balcon, sur un mâtereau, dans l’artimon dans le cas d’un gréement en ketch.La hauteur de l’antenne est moindre qu’en tête de mat mais suffisante car l’AIS ne nécessite pas l’usage de la portée maximale, une détection à 10 miles suffit pour gérer un risque de collision.
Utiliser un “splitter” (séparateur en français) qui permet le partage d’une antenne unique entre l’AIS et la radio VHF. L’installation d’un splitter est aisée puisqu’il suffit de l’intercaler avant la VHF et de brancher l’AIS dessus. Toutefois, il importe de choisir un splitter dernière génération pour AIS qui va permettre d’amplifier le signal avant de le séparer entre la VHF et l’AIS et ainsi maintenir une qualité d’antenne optimale, tant pour la VHF que pour l’AIS.
Il est moins onéreux d’installer une deuxième antenne qu’un splitter et cette dernière présentera l’intérêt de pouvoir vous servir d’antenne de secours en cas de perte de l’antenne VHF principale.
A contrario, plus votre antenne sera positionnée en hauteur, plus sa portée de réception sera importante. Dans le cas de l’activation d’une balise AIS MOB émettant au raz de l’eau par exemple, vous pourrez ainsi capter le message « 14 » jusqu’à une distance d’une douzaine de milles si votre antenne AIS est localisée en tête de mât contre moins de 5 milles pour une antenne AIS localisée sur un portique arrière.
L’AIS, comment identifier une route de collision ?
L’un des intérêts que présente le système AIS est de pouvoir activer une alarme qui vous avertira si votre voilier s’approche trop près d’un autre navire. Ce système anti-collision vous permettra d’anticiper vos manœuvres et d’économiser beaucoup de stress lorsque vous naviguerez sur des routes maritimes fréquentées ou lorsque la météo sera mauvaise, réduisant votre visibilité oculaire à quelques milles seulement.
Les meilleures applications de navigation, tout comme les écrans dédiés à l’AIS, permettent l’affichage :
- des cibles et la visualisation de leur progression,
- des informations détaillées sur ces dernières,
- des données relatives au point de croisement et aux risques de collision, calculées en temps réel.
Grâce à ces données notamment, 3 paramètres sont intéressants à utiliser :
- le CPA (Closest Point of Approach), qui correspond au point d’approche au plus près,
- le TCPA (Time to Closest Point of Approach), qui correspond au temps restant avant l’atteinte du point d’approche au plus près,
- le BCPA (Bearing of Closest Point of Approach), qui correspond au relèvement du CPA à l’instant où il se produira. Il permet de savoir si votre route coupera celle du navire repéré devant ou derrière ce dernier. Cette information peut être disponible sous une autre appellation ou sous une forme légèrement différente selon votre système d’AIS.
Ces trois données sont intimement liées. Elles vous permettent d’anticiper les événements (changement de cap, changement de vitesse, …) et de modifier si nécessaire votre route pour éviter tout risque de collision. Dans le cas où votre route croise celle d’un navire par l’avant, vérifiez régulièrement si ces trois paramètres vous restent favorables et vous assurent une marge de sécurité suffisante.
La plupart des équipements de navigation vous permettra de choisir la distance minimum entre navires à partir de laquelle vous souhaiterez d’être averti par alarme.
L’image ci-dessous illustre la zone de protection imaginaire autour de votre voilier que va permettre de poser une alarme définie à 0,5 NM et représente ce à quoi correspondent le CPA et le TCPA.
Le CPA / TCPA / BCPA calculé est souvent variable puisqu’il est soumis aux variations de route et vitesse dues à la mer, au vent et à la qualité du barreur de nos petites unités de croisière. Il convient donc de ne pas y accorder votre confiance absolue et de maintenir veille, vigilance et anticipation.
Considérez ces outils comme un bonus utile pour sécuriser votre croisière et prenez le temps de vous familiarisez avec, sans oublier d’éteindre vos alarmes au moment de rejoindre votre mouillage ou d’entrer dans un port, au risque de devenir complètement fou lorsque ces alarmes retentiront sans discontinuer !
L’AIS, comment permettre à vos proches de vous suivre en croisière ?
Le site Marine Traffic fournit gratuitement et en temps réel des informations sur la position et le déplacement des navires dans le monde entier, grâce au système des balises AIS qui donne en permanence leur position, leur vitesse, leur origine et leur destination.
La position des navires est ainsi affichée sur une série de cartes utilisant Google Maps. Des icônes colorées permettent de distinguer le type de navire (cargo, pétrolier, passagers, etc.), si ce dernier est en route ou à l’arrêt. L’historique récent des positions successives des navires est également consultable sur le web .
Bien qu’il faille garder en tête que les positions indiquées sur la carte ne sont pas constamment actualisées (par exemple si un navire est hors de portée) et peuvent dater de quelques heures voire quelques jours, cet outil peut être intéressant pour vos proches ou amis lorsque vous partez en croisière plus ou moins lointaine dans la mesure où il permet de vous localiser facilement, par simple recherche sur le site avec le nom de votre voilier ou votre n° MMSI.
Depuis que nous avons équipé notre voilier Saba d’un AIS émetteur / récepteur, nous sommes séduits par toutes les potentialités de cet outil et le confort qu’il nous apporte en navigation.
Nous apprécions tout particulièrement de pouvoir localiser les navires coupant notre route et d’estimer grâce aux CPA et TCPA le risque possible de collision bien à l’avance. L’AIS, sans nous dispenser d’une veille attentive et de nos quarts de nuit au large, nous offre une sérénité supplémentaire bien confortable en mer.
Au delà de la sécurité en mer, l’AIS nous permet également de recherche nos amis au mouillage et de suivre la progression de ceux d’entre eux d’ores et déjà partis en croisière au long cours.
Nous vous souhaitons bon vent et bonne mer
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